Pourquoi agissons-nous si peu face à l’urgence climatique ?

23 décembre 2024
par Camille Stassart
Temps de lecture : 4 minutes

Dans le cadre du changement climatique actuel et à venir, des efforts doivent être réalisés sur tous les fronts : à l’échelle internationale, nationale et locale, mais aussi individuelle. Chacun est ainsi appelé à agir à son niveau, que ce soit en faisant des choix de consommation durable ou en réduisant son empreinte carbone. Après tout, ne dit-on pas que l’océan est constitué d’une multitude de gouttes de pluie ?

Pourtant, des études montrent que peu d’individus passent réellement à l’action, même parmi ceux qui se considèrent comme engagés sur la question. Selon le Pr Benoit Dardenne, spécialiste en psychologie sociale et orateur invité à la Quinzaine du Climat de l’Université de Liège, une clé pour encourager à davantage d’initiatives individuelles résiderait dans le collectif.

1 Belge sur 3 considère ne pas faire assez pour le climat

D’après l’« Enquête sur le climat » (2021), menée après de 6.500 Belges, 80% des sondés estiment que les changements climatiques sont « des phénomènes mondiaux, que leurs effets se font déjà sentir ailleurs et qu’il s’agit d’une problématique à laquelle il faut s’attaquer d’urgence.»

Dans le même temps, alors que l’action individuelle joue un rôle non-négligeable dans la réduction du CO2, seulement un tiers des répondants pense prendre suffisamment d’initiatives personnelles pour lutter contre ces changements climatiques.

Comment expliquer cela ? Pourquoi traîne-t-on des pieds quand il s’agit de changer nos comportements ? « Selon certains chercheurs, des barrières psychologiques, surnommées les ‘dragons de l’inaction’ nous empêcheraient d’agir », fait savoir le Pr Dardenne, lors de sa conférence intitulée « Should I Stay or Should We Go … So You Got to Let Us Know ».

Les dragons de l’inaction

Parmi ces dragons, citons le « biais d’optimisme », qui consiste à croire que les conséquences graves se produiront plus tard, et qu’on agira à ce moment-là. Ou encore le « salut technologique », cette croyance selon laquelle l’innovation et les solutions technologiques résoudront à elles seules les problèmes climatiques. Le Pr Dardenne mentionne aussi la « réactance », un mécanisme de défense psychologique mis en œuvre par l’individu pour maintenir sa liberté d’action lorsqu’il croit celle-ci menacée.

« Les gens ont alors tendance à faire le contraire de ce qu’on leur demande, surtout si le message est unanime. Exemple : des lois vont bientôt m’obliger à conduire un véhicule électrique. Dès lors, je vais opter pour un véhicule thermique pour réaffirmer ma liberté. »

D’ailleurs, pour le professeur, le problème viendrait aussi de la stratégie employée : « Quand on veut changer le comportement individuel, on a généralement trois moyens : l’information, la récompense et la punition ». En matière de climat, on trouve ainsi les campagnes de sensibilisation, les avantages fiscaux et réductions pour promouvoir des comportements éco-responsables, et les amendes, notamment en cas de pollution. « Pour autant, ces approches montrent une efficacité limitée auprès du public. »

Selon lui, une piste prometteuse serait de miser sur le pouvoir du collectif. Une méta-analyse publiée en 2023, qui a exploré les facteurs incitant à l’activisme climatique, conclut que « les interventions basées sur des comparaisons sociales est l’outil le plus efficace pour faire bouger les gens. »

Quand le groupe devient moteur de l’action individuelle

Cette approche repose sur le constat que les humains sont sensibles aux normes sociales et sont influencés par les comportements de leurs pairs. Comme le rapporte Benoit Dardenne via différents cas d’études, les recherches en psychologie sociale ont montré depuis longtemps que l’on ajuste souvent nos comportements (parfois de manière inconsciente) pour se conformer à ce qui est perçu comme acceptable dans un groupe. Soit pour obtenir une approbation, soit pour éviter la désapprobation.

Des initiatives en ce sens existent déjà chez nous. Par exemple, certains fournisseurs d’énergie offrent la possibilité de comparer sa consommation à celle de ses voisins, en se basant sur la moyenne communale.

Dans le même esprit, les défis inter-entreprises permettent d’encourager l’adoption de comportements plus durables en misant sur la compétition amicale. En Wallonie, le challenge « Tous vélo-actifs » invite depuis plusieurs années les employés des entreprises et des écoles à opter pour le vélo entre leur domicile et leur travail. Les écoles et entreprises ayant parcouru le plus de kilomètres se voient récompenser par un prix.

« Le collectif est un levier potentiellement puissant pour nous inciter à mener des actions, amenant des changements structurels dans nos sociétés », conclut le Pr Dardenne.

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