À la recherche de glaces vieilles de plusieurs millions d’années

30 janvier 2025
par Daily Science
Temps de lecture : 4 minutes

Des scientifiques belges de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et de la Vrije Universiteit Brussel (VUB) reviennent d’une expédition en Antarctique à proximité de la station Princesse Elisabeth. Dans leurs bagages : des échantillons de glace bleue et des données susceptibles de les guider vers des glaces vieilles de plusieurs millions d’années. De quoi offrir des informations précieuses sur l’évolution du climat terrestre.

Première mission, le repérage

L’équipe scientifique du projet FROID (Finding the world’s oldest ice record around the Princess Elisabeth Station) a mené une campagne sur le terrain de décembre 2024 à début janvier 2025 dans la région de glace bleue de Nils Larsen, près des montagnes Sør Rondane. La glace bleue est la transformation, par compression, de la neige tombée sur un glacier : l’évacuation des bulles d’air rend la glace teintée de bleu. Le camp de base était situé à 2300 mètres d’altitude, à environ 50-60 km de la station Princesse Elisabeth.

Composée de Maaike Izeboud (VUB), Étienne Legrain (ULB/VUB), Veronica Tollenaar (VUB) et Harry Zekollari (VUB), l’équipe a bénéficié du soutien sur le terrain de François Pallandre (guide IPF) et Nicolas Grosrenaud (technicien IPF). Leur travail a consisté à forer des carottes peu profondes pour déterminer l’âge de la glace, prélever des échantillons en surface, installer des piquets pour mesurer la perte de glace en surface et collecter des données radar pour évaluer son épaisseur. Ces analyses visent à identifier les zones contenant les glaces les plus anciennes, en prévision de forages futurs pour récupérer des échantillons vieux de plusieurs millions d’années.

Machine à remonter le temps

« L’Antarctique est recouvert d’une calotte glaciaire. Au fil du temps, la neige tombée en surface se transforme progressivement en glace emprisonnant des petites bulles d’air. Celles-ci nous renseignent sur la composition passée de l’atmosphère et, par conséquent, sur le climat d’il y a plusieurs centaines de milliers, voire plusieurs millions d’années », explique le Pr Harry Zekollari.

Les glaces les plus anciennes de l’Antarctique se trouvent à la base de la calotte polaire, sur le socle rocheux du continent. Des expéditions scientifiques internationales précédentes visant à prélever des carottes en profondeur pour trouver la glace la plus ancienne ont permis de remonter des centaines de milliers d’années dans l’histoire du climat.

La plus connue de ces expéditions est le projet EPICA (European Project for Ice Coring in Antarctica), qui a permis de prélever des glaces datant de 800.000 ans au Dôme C, l’un des points les plus élevés de l’Antarctique. Récemment, dans le cadre d’un autre projet de forage profond (Beyond EPICA), auquel le laboratoire de Glaciologie de l’ULB participe, de la glace datant de plus de 1,2 million d’années a été récupérée.

Laisser faire la gravité

Forer plusieurs kilomètres dans la calotte glaciaire est un processus long, complexe et coûteux. Le projet FROID adopte une approche différente. « Nous tirons parti des zones de glace bleue », explique la Dre Veronica Tollenaar. « La calotte polaire s’écoule lentement du centre du continent vers ses côtes sous l’effet de la gravité. Lorsque la glace s’approche des montagnes, dans les zones de glace bleue, la glace du fond de la calotte polaire est poussée vers la surface. Cela facilite l’accès aux glaces les plus anciennes sans avoir à forer des kilomètres de profondeur. »

Lors de cette campagne, l’équipe a foré 15 carottes peu profondes, prélevé plus de 1000 échantillons de surface et réalisé 200 km de transects (coupes) radar. Les échantillons sont actuellement en route pour la Belgique, où ils seront analysés dans les laboratoires des universités participantes.

Découverte d’un lac inconnu

L’équipe a observé un phénomène surprenant durant sa mission. « Nous avons découvert un lac liquide en surface, ce qui est très rare en Antarctique, surtout à cette altitude », rapporte la Dr Maaike Izeboud. « Cependant, il y a eu plusieurs journées chaudes en décembre avec des températures élevées induisant une fonte de surface qui a donc potentiellement formé ce lac. Nous devons maintenant modéliser le bilan de masse de surface pour comprendre à quel point cet événement est exceptionnel. »

Cette mission a été financée par la Politique scientifique fédérale belge (BELSPO) et le projet QUOI (Quest for the world’s oldest ice) de l’Université libre de Bruxelles, avec le soutien logistique de la Fondation polaire internationale (IPF), mandatée par le Secrétariat polaire belge pour gérer la station Princesse Elisabeth, première station de recherche zéro émission au monde.
Le projet FROID prévoit de retourner en Antarctique pour une deuxième campagne de terrain lors de la saison de recherche 2026-27.

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