Un vétérinaire sur 2 arrête la pratique moins de 5 ans après l’obtention de son diplôme

11 août 2025
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 4 minutes

Série : Vétérinaires sous pression (1/3)

 

Quelque 50 % des jeunes vétérinaires quittent la profession après moins de 5 ans de pratique. Ce chiffre interpellant est issu des tous premiers résultats d’OBSVET, l’observatoire wallon du monde vétérinaire wallon créé en 2024.

Cela fait plusieurs années que divers organismes réalisent, chacun de leur côté, des enquêtes auprès des étudiants et des jeunes diplômés de médecine vétérinaire. Durant ses premiers mois d’existence, OBSVET a inventorié toutes les ressources et banques de données disponibles. Et a demandé à chaque opérateur d’extraire certaines données permettant, pour la première fois, d’établir une vision exhaustive du paysage vétérinaire wallon.

Seule l’ULiège diplôme

L’université de Liège est la seule institution francophone belge à diplômer des vétérinaires. En effet, elle est la seule à proposer un programme de master en médecine vétérinaire. Les trois années de baccalauréat peuvent, quant à elles, être suivies à l’ULB, à l’UNamur ou à l’UCLouvain.

Ces études sont contingentées. Un examen en fin de Bac 1 voit 276 étudiants sélectionnés pour continuer leur cursus universitaire. Ce nombre de passeports est distribué entre les 4 universités en fonction du nombre de primo-inscrits que chacune a eu en Bac 1 au cours des trois dernières années.

Ce chiffre de 276 a été défini par décret en fonction des capacités d’accueil de la Faculté vétérinaire liégeoise. Le facteur limitant ? La fréquentation des 3 cliniques (petits animaux, chevaux, ruminants) durant les 3 années de master. « Les étudiants travaillent sur de vrais cas avec un assistant. Moins ils sont (2 ou 3) autour d’un animal malade, plus c’est profitable sur le plan formatif. Par ailleurs, le nombre d’encadrants n’est pas infini, de même que les surfaces d’accueils des étudiants dans les cliniques », explique Pre Tatiana Art, doyenne de la Faculté des sciences vétérinaires.

Expatriation ou reconversion ?

Sur les quelque 280 diplômés annuels, les statistiques françaises révèlent qu’environ 100 s’en vont directement professer en France. Les 180 restants s’inscrivent à l’Ordre des médecins vétérinaires de Belgique.

« Mais chaque année, il y en a aussi 90 jeunes vétérinaires de moins de 30 ans qui se désinscrivent de l’Ordre. C’est ce qu’a montré une enquête menée sur des données collectées entre 2019 et 2024 », explique Dr Leonard Theron, médecin vétérinaire rural et collaborateur au sein d’OBSVET.

Ces jeunes choisissent donc de ne plus exercer la pratique en Belgique. Migrent-ils en France où les offres de salariat sont bien plus fréquentes qu’en Belgique (où le statut d’indépendant prédomine), doublées de meilleures rémunérations ? Ce n’est pas ce que révèlent, de prime abord, les registres d’inscription à l’Ordre des médecins vétérinaires de France. On peut imaginer que nombre d’entre eux restent en Belgique et que certains trouvent un emploi scientifique ou technique, alors que d’autres entament une carrière dans l’enseignement.

Mais ce ne sont que des suppositions. Où et comment exercent ces jeunes diplômés désinscrits à l’Ordre des médecins vétérinaires de Belgique demeure une énigme à laquelle OBSVET entend trouver réponse dans les prochaines années grâce à un call center chargé de les tracer.

Des revenus trop faibles qui découragent

Les raisons qui mènent à ces abandons sont multiples : conditions de travail exigeantes, difficultés d’installation, manque de reconnaissance du métier. Toutefois, l’enquête Radius (Récolte et Analyse des Données d’Utilité Stratégique), qui a été réalisée à 3 reprises (durant les années académiques 2019-2020, 2021-2022 et 2022-2023) auprès des médecins vétérinaires un an et cinq ans après l’obtention de leur diplôme, suggère une raison principale : la trop faible rémunération. Celle-ci est en moyenne de 20 euros bruts par heure. « Il y a une discordance totale entre 6 ans d’université et ce montant horaire », indique Dr Theron. « De plus, après 5 ans de pratique, l’enquête révèle que leurs revenus mensuels ont progressé d’à peine 200 euros bruts, pour une activité hebdomadaire moyenne oscillant entre 40 et 50 heures. »

« En Belgique, la majorité des vétérinaires (80%) exercent en tant qu’indépendants, et les écarts salariaux avec les rares vétérinaires salariés ne sont pas significatifs. Pour ces indépendants, c’est une double peine : ils doivent faire face à des lourdeurs administratives et à un manque de protection sociale, tout en étant mal rémunérés », analyse Dr Theron.

« Une enquête réalisée en 2023 par l’Union Professionnelle des Vétérinaires (UPV) auprès de 180 jeunes diplômés révèle que sous 3000 euros bruts mensuels, plus de 60% envisagent de quitter la pratique vétérinaire. » Ce chiffre reste élevé avec 40 % pour un salaire inférieur à 4000 euros bruts, et 25 % pour ceux gagnant moins de 5000 euros bruts. Selon les données d’OBSVET, 48% des jeunes vétérinaires estiment que leur salaire ne permet pas un avenir durable dans la profession.

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