L’année 2025 marque le 30e anniversaire de la découverte de « 51 Pegasi b », la première exoplanète, une planète en orbite autour d’une étoile, jamais détectée. Depuis, plus de 5.000 ont été repérées, et les logiciels misant sur l’apprentissage profond (deep learning, en anglais), un sous-domaine de l’apprentissage automatique, pourraient bien nous aider à en trouver davantage.
Lors de la conférence « L’intelligence artificielle au service de la détection d’exoplanètes » organisée par le Forum des Savoirs (ULiège), le Pr Olivier Absil, maître de recherches FNRS à la tête du laboratoire Planetary & Stellar system Imaging est revenu sur l’apport de ces technologies à l’imagerie directe pour traquer ces mondes lointains.
Les limites de la détection indirecte
Pour comprendre son intérêt, le Pr Absil rappelle que la plupart des exoplanètes sont aujourd’hui détectées par des méthodes indirectes. « On observe les étoiles et l’effet qu’une planète exerce sur elles », explique-t-il. La méthode du transit, par exemple, « consiste à détecter une légère baisse du flux de la lumière de l’étoile lorsqu’une planète passe devant son disque, occultant ainsi une partie de sa lumière ». Par cette technique, des milliers d’exoplanètes ont été identifiées, dont celles du système TRAPPIST-1, découvertes en 2017 par une équipe de chercheurs liégeois.
Si les méthodes indirectes révèlent aux observateurs des paramètres essentiels, comme l’orbite ou la masse des exoplanètes, elles laissent encore de nombreuses questions sans réponse. « Pour en savoir davantage, il faut se tourner vers d’autres méthodes, comme l’imagerie directe », qui vise à détecter des objets célestes en acquérant directement leur image à l’aide de télescopes.
En analysant la lumière émise par ces planètes, les chercheurs peuvent notamment obtenir des informations sur leur composition chimique. Autre avantage : l’imagerie directe permet d’étudier la formation de systèmes exoplanétaires. « C’est l’un des résultats les plus emblématiques de cette approche. Avec elle, on peut directement avoir accès à la structure des disques circumstellaires, soit le disque de matières et de poussières dans lequel se forment les planètes. »
Une approche encore en développement
L’exploration par imagerie directe n’est toutefois pas une mince affaire, les planètes étant nettement moins brillantes que les étoiles. « C’est comme observer une luciole qui tournerait autour d’un phare à un millier de kilomètres de l’observateur ! » Ce n’est d’ailleurs qu’en 2004 que la première exoplanète a été découverte par imagerie directe. Autre difficulté : les observations directes sont généralement faites avec de grands télescopes terrestres. Or, l’atmosphère étant turbulente, cela conduit à la déformation des images.
Pour surmonter ces défis et améliorer leurs observations, les astronomes utilisent 4 techniques principales : la première est l’optique adaptative, qui corrige en temps réel les déformations de la lumière provoquées par la turbulence de l’atmosphère. Vient ensuite la coronographie, une technique qui masque le halo lumineux de l’étoile afin de rendre visibles les éventuelles planètes situées à proximité. Les opérations du télescope constituent le 3e pilier. Enfin, les techniques de traitement d’image permettent d’affiner les images collectées.
Malgré cela, en près de 20 ans, seules une quarantaine d’objets ont pu être observés par imagerie directe. Un nombre modeste qui pousse les scientifiques à rendre ces techniques plus sensibles. Parmi les pistes, l’apprentissage profond est activement étudié par le Pr Absil et ses collègues, et offre déjà plusieurs améliorations.

Une nouvelle ère pour la détection d’exoplanètes ?
L’apprentissage automatique permet à la machine d’apprendre par elle-même, à partir de données et de ses propres erreurs. En lui fournissant des millions d’exemples, elle ajuste progressivement ses réponses. L’apprentissage profond, une branche de l’apprentissage automatique, utilise des réseaux de neurones artificiels organisés en couches, où chaque niveau traite et transmet les informations au suivant, permettant à la machine d’apprendre des relations complexes.
« Cette technique a du potentiel pour intervenir dans les 4 grands piliers de l’imagerie directe », fait savoir le Pr Absil. « En termes d’optique adaptative, on peut utiliser des méthodes d’apprentissage par renforcement, où un agent apprend, en temps réel, à prendre les meilleures décisions pour maximiser un objectif ». Ici, l’agent analyse les mesures prises et détermine les actions qui vont maximiser la correction des déformations dues à l’atmosphère. « C’est une méthode puissante, qui est actuellement déployée sur les télescopes les plus avancés. »
En matière de coronographie, l’IA peut également servir à la conception de coronographes plus performants, en explorant des millions de configurations optiques et en identifiant des designs optimisés. Idem pour les opérations des télescopes, où l’IA est capable de centrer automatiquement et en temps réel l’image d’une étoile sur le coronographe pour en maximiser l’efficacité.
Concernant les techniques de traitement d’image, enfin, « on peut aussi entraîner des logiciels sur d’énormes jeux de données simulées à distinguer une exoplanète de résidus de lumière générés par l’étoile. Et ainsi nous indiquer la probabilité, à chaque pixel de l’image, que ce soit une planète. Pour l’heure, c’est dans cette application que l’IA est la plus utilisée et qu’elle a le plus d’impact. »
L’IA s’impose aujourd’hui comme un outil clé pour surmonter les limites actuelles de l’imagerie directe, et ouvre la voie à de nouvelles découvertes.