Le dialogue entre le cerveau et le microbiote intestinal vu par les chercheurs de l’UCLouvain et… une intelligence artificielle. Photo D.R.

En à peine 2 heures, le cerveau peut modifier la composition du microbiote

22 avril 2025
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 3 minutes

C’est une incroyable découverte que viennent de faire des chercheurs de l’UCLouvain et leurs collègues espagnols. Notre cerveau peut directement modifier la composition de notre microbiote. Et ce, en moins de deux heures ! Il n’y a donc pas que ce que nous mangeons qui a un impact sur la composition de la flore microbienne présente dans notre système digestif. Le cerveau aussi à son mot à dire.

« On savait déjà que le microbiote intestinal pouvait avoir un effet sur nos comportements alimentaires, sur le stress, sur l’anxiété », explique Patrice Cani, professeur à la Faculté de pharmacie et des sciences biomédicales de l’UCLouvain.

A l’origine de cette découverte, avec son collègue Matthias Van Hul, professeur au Louvain Drug Research Institute, il continue : « il avait aussi déjà été démontré que le microbiote de personnes anxieuses ou stressées était différent de celui de sujets ne souffrant pas de ces troubles. Mais il n’avait jamais été démontré que quand on touchait une zone très particulière du cerveau de manière pharmacologique ou génétique, cela avait une influence sur le microbiote. C’est ce que nous venons de mettre en lumière avec nos collègues espagnols Marc Claret, responsable du groupe de recherche Neuronal Control of Metabolism de l’hôpital clinique de Barcelone, et Ruben Nogueiras, de l’Université de Santiago de Compostelle. »

Bloquer ou activer les neurones de l’appétit

C’est l’hypothalamus, la structure du cerveau qui contrôle l’appétit, qui est impliquée.

Chez la souris, les chercheurs espagnols ont agi sur cette structure de trois manières différentes via un implant intracérébral. Au moyen de ce dispositif, ils ont injecté, suivant les cas, trois hormones ayant un impact sur l’activation des zones de l’appétit. Il s’agit de la ghréline, qui stimule l’appétit, du GLP1 qui bloque l’envie de manger, et de la leptine, qui reflète nos réserves de graisse.

Le but de l’équipe scientifique était d’activer ou de bloquer à la demande les neurones de l’appétit. Ceci afin de déterminer les actions de chaque molécule sur le comportement du microbiote intestinal. Après quelque 1.500 analyses réalisées par les Prs Cani et Van Hul sur le microbiote des souris, l’équipe a pu démontrer que lorsque la zone du cerveau inhibant la prise alimentaire était activée ou bloquée, cela entraînait une modification de la composition du microbiote intestinal des rongeurs dans un délais de 2 heures. Ce qui est ultra rapide. Des modifications de la flore bactérienne inattendues, surtout aussi rapidement et sans prise d’aliments pendant les expériences.

Pas de réaction chez les sujets obèses et diabétiques

Autre découverte liée à cette découverte : l’absence de réaction de la flore bactérienne chez les souris obèses et diabétiques. « Chez les personnes en surpoids et diabétiques, on savait déjà que le cerveau ne réagissait pas à la leptine », explique le Pr Cani. « Ce qu’on observe ici, sur des souris obèses et diabétiques, c’est que la communication du cerveau vers l’intestin est totalement perdue. »

« Ce dialogue rompu entre le cerveau et le microbiote pourrait avoir un impact sur l’altération des habitudes alimentaires, et donc le développement de l’obésité », pointe l’UCLouvain dans un communiqué.

De quoi envisager d’autres recherches, voire de potentielles applications? « C’est trop tôt pour le dire, nos travaux sont exploratoires», indique le Pr Cani. « Notre but est d’identifier les mécanismes de dialogue entre notre cerveau et le microbiote intestinal. Nos travaux vont, j’en suis certain, déboucher sur de nouvelles pistes de recherches intéressantes. Savoir que des neurones peuvent décider de modifier rapidement les bactéries de l’intestin, c’est un changement de paradigme. Il y a de vastes champs à explorer », conclut-il.

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