Prélèvement de sang chez un bébé dans le cadre du dépistage néonatal - domaine public

Le projet Baby Detect élargit le champ du dépistage néonatal

21 mai 2025
par Camille Stassart
Temps de lecture : 5 minutes

Derrière l’appellation « maladies rares » se cachent entre 6.000 et 8.000 pathologies. Si certaines sont rarissimes et ne touchent que quelques familles, d’autres concernent des milliers de patients. Près des trois-quarts sont d’origine génétique, causées par un ou plusieurs gènes déficients. La plupart sont classées comme orphelines, c’est-à-dire qu’il n’existe pas (encore) de traitement thérapeutique.

En Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), une vingtaine de maladies rares pour lesquelles un traitement est disponible fait l’objet d’un dépistage systématique à la naissance. Ce chiffre pourrait bondir à l’avenir grâce au projet liégeois Baby Detect (2022-2025), porté par la Fondation Léon Fredericq de l’ULiège, le fonds WalGenMed de la Région Wallonne, et les entreprises pharmaceutiques Sanofi, Orca Therapeutics et Takeda.

165 maladies dépistées dans quelques gouttes de sang

Le dépistage néonatal des maladies rares repose actuellement sur un prélèvement sanguin au talon entre le 2e et 4e jour de vie. L’échantillon est ensuite envoyé à l’un des centres agréés du pays pour une analyse biochimique. Le projet Baby Detect adopte une approche différente en se basant sur le séquençage ADN haut débit. Bien qu’elle soit plus coûteuse, en identifiant les éventuelles mutations dans plus de 400 gènes associés à 165 maladies rares, elle permet d’élargir considérablement le nombre de maladies détectées.

« Les maladies rares ciblées répondent à 3 critères : elles se manifesteront avant l’âge de 5 ans, causeront des dégâts irréversibles si elles ne sont pas prises en charge, et sont toutes traitables », énumère François Boemer, responsable du laboratoire Biochimie génétique au CHU Liège, et l’un des initiateurs du projet Baby Detect.

Une définition encore floue

La sélection a été réalisée en collaboration avec des pédiatres et des généticiens de différentes sous-spécialisations du Centre Hospitalier Régional de la Citadelle (Liège). « Chaque expert nous a fourni une liste de maladies rares traitables, pour lesquelles il était intéressant d’avoir une prise en charge préventive », précise le Dr Boemer.

A noter que la notion de maladie rare « traitable » varie d’un pays à l’autre, et même d’une région à l’autre. En Flandre, 19 pathologies sont reprises dans le dépistage systématique, contre 23 en FWB. « Cela s’explique par l’absence de consensus dans la littérature internationale sur la définition d’une maladie rare “traitable”, ou non. C’est interprété différemment d’un spécialiste à l’autre, même s’il existe une volonté d’harmonisation. »

On retrouve aussi cette disparité dans la recherche : « A l’échelle mondiale, il existe une trentaine d’études pilotes similaires à Baby Detect, mais les gènes et maladies visés par ces projets sont extrêmement variés, avec moins de 30% de gènes ciblés en commun ».

Adapter le dépistage aux réalités cliniques

La liste de maladies rares du projet wallon Baby Detect a elle-même évolué entre le début du projet et aujourd’hui : « Notre approche est novatrice, ce qui a impliqué des ajustements. On a, par exemple, identifié un certain nombre de cardiopathies hypertrophiques chez les bébés participants. Des pathologies qui entraînent un épaississement anormal du cœur, ce qui peut provoquer des problèmes cardiaques habituellement à l’âge adulte, de manière plus ou moins sévère.»

Cette caractéristique sortait la pathologie des critères de départ et soulevait des questions importantes, selon le chercheur : « La société est-elle prête à financer un suivi préventif pour l’ensemble des nouveaux-nés, tout au long de leur enfance et adolescence, pour une maladie qui ne se manifestera qu’à l’âge adulte, pour la plupart ? Et accepter le risque de saturer le système de soins de santé, au détriment de la prise en charge des urgences réelles ? Si on n’a pas les moyens de mettre en place un suivi préventif adapté, il n’est pas éthique de dépister de telles pathologies à la naissance. »

Dans ce contexte, les scientifiques ont décidé de cibler les formes de cardiopathie les plus graves, celles nécessitant une prise en charge rapide et préventive.

Un test qui a démontré sa plus-value

En 30 mois de recherche, Baby Detect a permis de tester plus de 6.000 bébés nés dans les deux maternités liégeoises partenaires. « Parmi ces enfants, 114 cas positifs ont été identifiés, dont 19 seraient passés inaperçus avec le dépistage néonatal classique.»

« Citons la découverte de deux cas de maladie de Wilson, une pathologie liée à un trouble du métabolisme du cuivre, provoqué par des mutations du gène ATP7B. Elle entraîne une accumulation toxique de cuivre dans l’organisme, pouvant affecter gravement le foie et le cerveau. » Sans traitement, cette maladie évolue progressivement et peut s’avérer fatale. En revanche, le pronostic est excellent pour les enfants qui commencent le traitement à des stades présymptomatiques ou précoces.

Pour l’heure, le dépistage Baby Detect n’est pas couvert par la sécurité sociale et les parents doivent débourser 650 € pour tester leur enfant à ces 165 maladies rares. Des discussions sont toutefois en cours pour obtenir un remboursement du test. « Dans tous les cas, il ne s’agit pas de remplacer le dépistage gratuit actuel, mais de le compléter par notre approche ». Selon le Dr Boemer, les deux méthodes ont vocation à coexister afin d’offrir un dépistage plus large et plus précoce, contribuant ainsi à réduire l’errance diagnostique, qui dure souvent plusieurs années, pour les patients atteints de maladies rares.

Haut depage