L’an prochain, lors de sa première mission à bord de la Station spatiale internationale (ISS), Raphaël Liégeois, l’astronaute belge de l’ESA, sera amené à réaliser toute une série d’expériences scientifiques. Parmi celles-ci, certaines seront dirigées par des chercheurs belges. Et les trois premières expériences 100 % belges de cette mission viennent d’être sélectionnées par un jury international. C’est le SPP Politique scientifique (Belspo) qui a organisé cette première sélection, en collaboration avec l’ESA, l’Agence Spatiale Européenne. Les trois expériences ont été retenues parmi 29 propositions. Elles proviennent des Universités de Louvain (UCLouvain), de Namur et de Gand.
Comportement des molécules en microgravité
La première de ces expériences, baptisée OSCAR-BLINQ est le fruit d’une collaboration entre des chercheurs de l’UCLouvain, de l’Université de Hasselt et de l’Institut royal d’aéronomie de Belgique (IASB).
Elle consiste en le développement d’une plateforme de capteurs quantiques à base de (nano)diamants. Développé par l’équipe OSCAR de l’Université de Hasselt en collaboration avec l’UCLouvain et l’Institut royal belge d’aéronomie spatiale, ce capteur quantique effectuera, durant 6 mois, des recherches sur le comportement des molécules sensibles à la lumière en microgravité.
« Avec cette technologie, nous pouvons suivre la façon dont ces molécules photoactives réagissent et reviennent à leur état d’origine, que ce soit par des changements d’acidité (niveaux de pH) ou par la formation de radicaux » explique Ludovic Troian-Gautier, chercheur qualifié FNRS à l’UCLouvain et investigateur du WEL Research Institute.
Mieux comprendre l’effet de l’apesanteur sur les systèmes biologiques
Grâce à cette recherche à la croisée de la physique et de la chimie, les scientifiques visent à acquérir de nouvelles connaissances sur le comportement des processus moléculaires en apesanteur. « Les résultats pourraient contribuer à une meilleure compréhension des effets plus larges de l’apesanteur dans l’espace sur les systèmes biologiques, tels que le corps humain ou les plantes. Ces connaissances sont cruciales, en particulier pour l’exploration spatiale, dont l’objectif est d’envoyer des personnes plus profondément dans l’espace pendant de longues périodes. Ce type de recherche présente également une nouvelle façon d’utiliser les capteurs quantiques dans l’exploration spatiale. »
Cette recherche s’appuie sur une technologie développée par l’UHasselt qui avait déjà placé un magnétomètre à bord de l’ISS en 2021. Pendant dix mois, cet outil avait permis de cartographier le champ magnétique autour de la Terre. Les scientifiques ont démontré que ce magnétomètre fonctionne en toutes circonstances, y compris dans les conditions difficiles de l’espace.
Avec cette nouvelle collaboration belge, l’UHasselt, l’UCLouvain et le BIRA-IASB combinent l’expertise scientifique du gouvernement fédéral, de la Flandre et de la Wallonie. « Il s’agit d’une occasion formidable et unique de contribuer davantage au paysage de la recherche en Belgique et au niveau international, avec des partenaires de recherche très motivés et stimulants. Cette opportunité unique nous permettra de mieux comprendre la réactivité des radicaux formés lors de l’irradiation, un aspect qui est au cœur de nos recherches développées à l’UCLouvain », conclut Ludovic Troian-Gautier.
Un blob namurois sous surveillance
La seconde expérience sélectionnée a été proposée par l’UNamur. Intitulée BeBlob, elle porte sur l’étude d’un…. blob. Physarum polycephalum, de son nom scientifique, est une moisissure visqueuse exceptionnellement résistante aux conditions extrêmes.
L’expérience examinera la capacité de cet organisme unicellulaire à se régénérer après s’être desséché et avoir été exposé aux radiations spatiales. L’objectif : mieux comprendre les mécanismes de réparation de l’ADN et la réponse cellulaire au stress, avec des applications prometteuses en biotechnologie et en médecine.
Croissance du maïs en microgravité
La troisième expérience belge que Raphaël Liégeois aura à réaliser en orbite s’appelle Astromy. Elle est issue de l’Université de Gand et porte sur l’analyse de l’effet de la microgravité sur la croissance du maïs (Zea mays).
En étudiant les mécanismes génétiques qui régulent le développement des cellules de la partie aérienne de la plante, ces recherches devraient permettre de mieux comprendre les effets des vols spatiaux sur les plantes, mais aussi de développer des systèmes de survie pour de longs voyages dans l’espace. Elles offriront également des retombées sur Terre. Notamment sur la manière dont les végétaux poussent dans des conditions extrêmes ainsi que sur leur résilience face aux changements climatiques.