
Autant architecte que plasticien, Luc Schuiten cherche des alternatives à la dégradation de l’environnement. Son très beau livre «Un monde désirable» fait rêver. L’auteur illustre ses préoccupations aux éditions Racine.
Projets, réalisations concrètes, expérimentations et utopies sont mêlés dans ces écrits et dessins. «Dans mon livre, j’ai choisi de rassembler les caractéristiques de ces deux modes d’expression en un tout à la valeur ajoutée bien plus qualitative que leur simple addition», explique l’architecte formé à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles. «Combinés, ces deux modes de communication disposent de la possibilité de s’exprimer sous leur angle de prédilection. Avec leur langage spécifique, le mieux adapté au propos.»
Le créatif bruxellois base son travail sur le dessin. «À mes débuts, dans les années 1970, il était seulement personnel. Mais au fil du temps, voyant l’intérêt que cela suscitait dans mon entourage, j’ai amélioré ma pratique afin de rendre mon travail de plus en plus communicant. Cela m’a permis, en parallèle, d’approfondir l’imaginaire qui se développait en moi.»
L’arbre comme structure, la nature comme modèle
Visiter la maison de l’architecte Victor Horta à Bruxelles a bouleversé la manière de concevoir l’architecture de Luc Schuiten. «Je trouvais dans l’Art nouveau la synthèse de mon admiration pour toutes les formes végétales magnifiées, idéalisées, dans un art proche de la perfection.»
Nouveau point de départ. L’architecte utilise l’arbre comme structure, la nature comme modèle. «Le biomimétisme s’est immédiatement imposé à moi», raconte-t-il. «Ma pratique de l’architecture y trouvait une foule de réponses et mes dessins de pure imagination y puisaient de multiples possibilités d’enrichissement.»
Luc Schuiten doit cette découverte à sa rencontre avec Gauthier Chapelle, le co-fondateur de l’ASBL Biomimicry Europa. «Grâce à lui, j’avais à ma disposition un outil des plus performants pour construire mon utopie sur des bases concrètes. Le biomimétisme allait me montrer le chemin à suivre pour échafauder un monde magnifié par sa relation avec le vivant. Depuis, lorsque je développe mes utopies, j’en réfère, en toute humilité, à plus expert que moi.»
Concrétisé en Belgique, France, Italie
De nombreuses réalisations sont décrites, illustrées et accompagnées de plans. Parmi celles-ci, la maison bruxelloise de l’architecte, un immeuble des années 1900 transformé en appartements. Sa maison française à l’architecture balnéaire de l’île d’Oléron. La cité végétale dans les champs et bois de Val di Sella, dans le Trentin, en Italie.
En projet, un centre de santé zéro béton en pleine nature qui s’étendra de part et d’autre de la rivière Lhomme, à Poix-Saint-Hubert en Ardenne belge. Avec un centre de bien-être et de revalidation, un espace de travail partagé également dédié aux conférences, des restaurants, des chambres d’hôtel, des gîtes.
Un HLM biomimétique
En France, le bailleur social Alpes Isère qui gère 30.000 logements dans la région de Grenoble a proposé un projet de seconde vie pour un HLM d’une cinquantaine de logements dans le cadre d’une expérimentation et du programme européen New Bauhaus.
«La description du projet de régénération pour une adaptation aux changements climatiques, à la transition écologique et au biomimétisme nous a d’emblée enthousiasmés», confie Luc Schuiten qui se situe dans la mouvance « Solarpunk » axée sur les énergies renouvelables, l’harmonie avec la nature.
«Nous avons entamé une mission exploratoire et choisi de collaborer en biomimétisme avec le centre d’études et d’expertises Ceebios. Dans la conception d’un HLM biomimétique, l’immeuble et l’environnement fonctionnent en symbiose. Ils sont considérés comme une seule et même entité, tant sont nombreuses les interactions entre eux et leurs imbrications complexes. On peut cibler l’utilisation de matériaux biosourcés et durables. Le traitement des eaux usées par lagunage. La récupération des eaux de pluie. La géothermie pour la climatisation, tant l’été que l’hiver. Les éoliennes et l’aérodynamisme des toitures pour l’augmentation de leurs performances. Les protections solaires constituées de plantes grimpantes caduques. Les capteurs solaires, les potagers et vergers en permaculture…»
«Les ateliers, les services collectifs, les lieux de rencontre et de collaboration sont à disposition pour favoriser l’autonomie et le vivre ensemble. Tout en offrant aux enfants des espaces récréatifs au milieu de terrains d’aventures et de cabanes auto-construites.»
Connu aussi comme auteur de BD et scénographe, Luc Schuiten souhaite que son livre fasse réfléchir. Donne espoir. Mette le changement en marche.