Série : Recherche en Hautes Écoles (3/3)
Deux chercheurs de la Haute École ECAM (École centrale des arts et métiers de Bruxelles), à Bruxelles, David Rouchard et Eliott Vallée, développent une machine qui pourrait transformer la manière dont le bois est découpé dans les scieries. Derrière leur projet de démonstrateur technologique, un objectif clair : tirer un meilleur parti du bois de feuillus, une ressource locale précieuse, tout en réduisant les pertes et en renforçant la stabilité des planches obtenues.
« Le bois ne pousse pas en ligne droite », rappelle David Rouchard, ingénieur automaticien. « Dans chaque tronc, ou grume, on observe des cernes de croissance formant des cercles concentriques. Pourtant, dans l’industrie actuelle, on scie encore massivement ces grumes sur dosse, c’est-à-dire en traits parallèles, sans tenir compte de cette structure naturelle. Résultat ? Certaines planches se déforment en séchant, se fendent ou deviennent inutilisables dans des applications exigeantes comme la menuiserie de précision ».
Or, seules les planches issues du cœur du tronc, bien alignées avec ces cernes, se révèlent vraiment stables. Les autres finissent parfois en bois de chauffage ou nécessitent des transformations lourdes – lamellé-collé, séchage intense – qui consomment énergie et matière.
Une autre façon de couper : « sur quartier »
L’idée des chercheurs : adapter la coupe du bois à sa croissance naturelle. Inspirés par une image simple – celle d’une tarte découpée en quartiers –, ils proposent un débit « sur quartier ». Ici, les traits de scie sont perpendiculaires aux cernes, ce qui respecte mieux les contraintes internes du matériau. Le résultat ? Des planches plus stables, avec moins de déformations, donc moins de déchets et moins de transformation nécessaire.
Mais scier un tronc comme une tarte n’est pas si simple. « On ne peut pas sortir des parts triangulaires », précise Eliott Vallée. « Les menuisiers ont besoin de poutres et de planches rectangulaires. Le défi consiste donc à respecter le bois tout en fournissant des formes standards. »
Une mini-scierie intelligente
Le cœur de leur projet baptisé Prionia prend la forme d’un démonstrateur technologique. Il s’agit d’une machine de 2,5 tonnes capable de scier des grumes de 2,5 mètres de long et 40 cm de diamètre. Équipée de capteurs et d’algorithmes, elle scanne la grume, identifie son centre et ses contours, puis propose une coupe sur mesure, optimisant le rendement et la qualité.
Trois algorithmes pilotent l’ensemble : un premier pour analyser la forme, un autre pour positionner les découpes, et un dernier pour organiser l’ordre du sciage. À terme, le scieur n’aura plus qu’à charger la grume, appuyer sur un bouton, et récupérer des planches prêtes à l’emploi. « On automatise ce que faisaient les anciens à l’œil, corde et craie », explique Eliott Vallée.
Une innovation née du terrain
Le projet est né d’un appel lancé par la « Filière Bois Wallonie » qui voulait mieux valoriser les feuillus, sous-exploités en Wallonie. Un menuisier, Fabian Jadoul, a soufflé l’idée à l’équipe de l’ECAM. Il avait un vrai besoin de bois plus stable, moins capricieux. Ensemble, ils ont répondu à l’appel à projets. Résultat : une collaboration concrète entre recherche appliquée et industrie locale.
Écoutez Eliott Vallée expliquer le rôle des divers algorithmes développés pour ce projet:
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