
Dans «Moins d’écrans, plus de liens» aux éditions Racine, le psychopédagogue Bruno Humbeeck propose des outils pour retrouver une relation apaisée avec son téléphone portable ou sa tablette.
Pas de déconnexion par la force
Le directeur de recherche au Service des sciences de la famille de l’UMons présente un programme éducatif, accompagné et partagé, de déconnexion numérique douce.
«Douce, parce qu’il n’est pas souhaitable d’ajouter encore de la brutalité à un monde qui en regorge déjà suffisamment. En imposant agressivement, autoritairement et sans discernement une diminution non consentie du temps d’écran.»
«Douce encore parce qu’il n’est pas question, d’imposer par la force en obligeant à la déconnexion ce qui peut s’obtenir par la douceur en offrant des temps de déconnexion qui permettent de se reconnecter à autre chose. À quelque chose qui soit perçu par chaque membre de la famille comme à la fois plus vivant, mieux impliquant. Plus enrichissant humainement et plus ressourçant psychologiquement.»
Vite une photo, une vidéo
Le livre est jalonné d’exercices programmés qui accompagnent parents, éducateurs et enseignants souhaitant déjouer les automatismes cérébraux incitant à rechercher compulsivement des informations sur Internet. À scroller de manière excessive. À partager tout et n’importe quoi. À s’exposer excessivement, à photographier à tout moment. Et à laisser son attention accaparée au-delà de ce qu’on souhaite.
Prendre une photo, une vidéo avec un téléphone portable est devenu instinctif… «Le problème, c’est qu’en photographiant par automatisme, sans discernement et à toute vitesse, la mémoire se dédouane complètement de son rôle de rétention», explique Bruno Humbeeck. «La difficulté tient également au fait que le stockage des contenus se fait de manière superficielle dans la mesure où il n’est plus question d’une impression lente qui convoque l’ensemble des sens, mais d’une impression à la fois fugace et fugitive attachée à un geste furtif qui ne laisse pas le temps de faire une impression.»
Quelle est la solution? «Contempler longuement avec l’ensemble des sens sans songer à prendre en photo ce dont on veut faire un souvenir.» Se poser des questions… «Cette photographie, est-elle vraiment nécessaire? Ne vaut-il pas mieux profiter pleinement du spectacle de ce qui m’est donné à regarder? Cette photographie, doit-elle être diffusée sur les réseaux sociaux? Pourquoi, sur quoi et pour qui?»
Face au harcèlement numérique
Pour le chercheur, les réseaux sociaux ne sont pas des outils de communication. Mais des instruments d’installation du prestige social. «Le but est d’obtenir le plus possible de ‘likes’. L’agressivité hiérarchique y trouve donc tout naturellement l’opportunité de se manifester avec une virulence inédite.»
«Le harcèlement est essentiellement le résultat d’une agressivité hiérarchique qui incite le dominant à prendre publiquement le pouvoir. Et à manifester sa puissance au détriment du dominé. En l’humiliant face à un public de témoins amenés à adouber la prise de pouvoir en participant activement à l’humiliation. Ou, à tout le moins, en laissant faire.»
Comment agir? «Lorsqu’on est victime d’une agression, il faut toujours avoir le réflexe de réaliser une copie d’écran de façon à pouvoir, en cas de plainte, faire valoir un support tangible. Et ne pas s’exposer au risque de voir les contenus s’effacer ou se diluer dans les flux. Ne jamais participer à une agression numérique en likant, en partageant ou en commentant. Manifester et se désolidariser face à la meute. Même si ce comportement réclame énormément de courage.»
Décrocher avec Dconnect
Pour se décrocher de son portable, Sébastien Hiernaux, ancien membre de la direction de Samsung Belgique, a créé, avec Bruno Humbeek et d’autres scientifiques, l’application DConnect. Une approche fondée sur la compréhension des mécanismes cérébraux. Présentant des outils pour modifier ses habitudes numériques.
«Je n’ai pas la prétention de dire que Dconnect est LA solution», dit le créateur hennuyer. «Ce que je porte, en revanche, c’est une conviction forte, nourrie par des centaines de discussions avec des jeunes, des enseignants, des professionnels de santé, des acteurs du numérique, des membres de la société civile, voire des représentants gouvernementaux. Je crois que cette démarche peut ouvrir des pistes de réflexion. Proposer un accompagnement personnalisé. Et répondre à un besoin de plus en plus pressant. Celui de reprendre le contrôle de notre attention et de notre temps.»
Les usages numériques changent. Il est donc essentiel que DConnnect évolue selon Bruno Humbeeck. «En gardant comme cap cette volonté constante: proposer des outils d’accompagnement toujours plus adaptés aux besoins réels de ses utilisateurs, d’ici et ailleurs.»