« Quatre fois plus vite. » C’est le chiffre qui fait briller les yeux de Xavier Delcorps. En quelques mots, il résume six années de recherche, de tests et de doutes. Grâce à son dispositif de rééducation robotisée, les patients souffrant de douleurs lombaires récupèrent quatre fois plus rapidement que par les méthodes traditionnelles. Une promesse presque trop belle pour être vraie. Elle a cependant été validée par des essais cliniques menés dans plusieurs hôpitaux liégeois et montois.
La lombalgie, ce fléau discret, touche près de 85 % de la population mondiale au moins une fois dans la vie. Les chiffres sont implacables : dans certains secteurs, l’absentéisme lié aux douleurs dorsales a bondi de 30 %. Trop assis, trop raides, mal formés aux bons gestes: qu’ils soient employés de bureau ou manutentionnaires, les travailleurs d’aujourd’hui paient un lourd tribut au manque de mouvements.
« On a une société qui s’abîme le dos à petit feu », résume Xavier Delcorps. Lui-même kiné de formation, il a passé sa carrière non pas en cabinet, mais dans l’industrie médicale, entre implants orthopédiques et robotique médicale. De ce parcours hybride, est née une idée simple : et si la technologie pouvait réapprendre au corps à bouger naturellement ?
Une machine aux mouvements imprévisibles
L’aventure « LumbaCure », du nom de son dispositif, commence en 2018. La société ne voit officiellement le jour qu’en octobre 2020, en plein Covid. Le temps de développer, tester, ajuster les idées mises sur le tapis. Aujourd’hui, le projet, accompagné par Ignity, la structure qui soutient les techno-entrepreneurs en Wallonie, entre dans sa phase de décollage.
« Un prototype pré-industriel sera présenté à Louvain-la-Neuve début décembre », indiquait-il à Gand où, à l’invitation de l’Awex, il participait au salon Tectonic. Ce salon rassemblait notamment des innovateurs technologiques à la recherche de moyens pour développer leurs produits et de potentiels investisseurs. Pour Odix, la société derrière LumbaCure, l’idée est, en effet, de lever des fonds pour son projet de traitement des lombalgies.
La machine en question ressemble à une chaise robotisée montée sur une plateforme mobile. Le patient s’y installe pendant qu’un algorithme spécialement conçu par l’équipe prend le contrôle des mouvements. Ces mouvements, justement, sont imprévisibles : rotations, inclinaisons, translations, micro-oscillations. Le corps doit s’adapter en permanence, sans pouvoir anticiper ce qui vient. Résultat : les muscles profonds travaillent, les réflexes naturels se réactivent. Et surtout, le patient réapprend à bouger sans avoir peur de souffrir.
Lutter contre la kinésiophobie
« La kinésiophobie, la peur du mouvement, est l’ennemi numéro un des personnes souffrant du dos » reprend M. Delcorps. « Par peur de la douleur, elles bougent moins, compensent mal, et entretiennent une spirale négative. C’est à cette spirale que nous nous attaquons. Quand on s’assoit sur notre machine, on n’a pas le temps de réfléchir. On bouge, tout simplement. »
Le dispositif a été testé et validé auprès d’une centaine de patients. Il a été intégré dans des programmes de rééducation classiques de deux heures, deux fois par semaine. En y ajoutant un quart d’heure d’utilisation de cette chaise à six axes de mouvement, les résultats ont été remarquables. Le retour des patients à la mobilité a été quatre fois plus rapide avec l’utilisation de ce dispositif par rapport à ceux qui n’ont bénéficié que d’exercices de kiné.
Des seniors aux athlètes de haut niveau
Ce système, qui n’est donc pas encore sur le marché, ne s’adresse pas qu’aux patients en revalidation. Les sportifs d’élite constituent également une cible pour ce type de produit. « Le skieur belge Armand Marchand l’a testé avec son préparateur physique », précise l’entrepreneur. « Des golfeurs et basketteuses belges professionnelles s’y intéressent aussi. Ces disciplines sportives très asymétriques sollicitent intensément la colonne vertébrale. En travaillant la dissociation tronc-bassin, la machine promet des bénéfices tant en termes de performance que de prévention. »
Le dispositif pourrait aussi trouver sa place là où on ne l’attend pas : en maison de repos, auprès de patients âgés ou handicapés. « On a, en effet, testé notre dispositif sur des personnes de plus de 85 ans. Elles retrouvaient de la mobilité et un meilleur équilibre grâce à la stimulation de leur système d’équilibre », conclut Xavier Delcorps.