Qu’ont en commun la future spin-off Prisma (de la Haute-Ecole Ecam), l’entreprise ACE d’Angleur, qui propose de recycler certains déchets médicaux qui jusqu’ici étaient incinérés, ou encore la start-up Pulso Technology? Toutes les trois, ainsi qu’une poignée d’autres, ont sillonné cette semaine la Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Allemagne) à l’invitation de l’Awex, l’Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers.
Toutes sont venues vanter l’intérêt de leurs innovations respectives dans cette région d’Allemagne qui jouxte la Wallonie et qui mise sur les technologies médicales (MedTech) pour se développer. Et, bien entendu, elles sont aussi là pour prospecter le marché local. A Aix-la-Chapelle, comme à Düsseldorf ou encore à Bochum, les rencontres et les discussions ont été riches et édifiantes pour ces entrepreneurs.
Un outil pour la chirurgie du genou
« La Wallonie et la Rhénanie-du-Nord-Westphalie sont voisines », souligne Yves du Bus, Conseiller économique et commercial de l’Awex en Allemagne. « Nos deux régions misent beaucoup sur les technologies médicales pour leur développement. Pourtant, nous ne nous connaissons pas vraiment. D’où cette mission économique, pour créer des liens, nouer des contacts et ensuite développer de nouvelles activités ».
Pour l’ingénieur biomédical Jonas Marchal, qui porte le projet de spin-off Prisma au Cerdecam, l’international, c’est une évidence. Son innovation de niche prend la forme d’un outil visant à améliorer la précision, la reproductibilité et la sécurité des interventions de chirurgie du genou.
« Avant de pénétrer le marché allemand, je souhaite d’abord m’informer et surtout identifier des relais locaux afin d’entrer en contact avec des chirurgiens orthopédistes allemands qui pourraient être intéressés par mon innovation », dit-il. « Mais je suis aussi venu pour m’informer sur la législation allemande en matière de greffes. Les multiples rencontres organisées pendant ces trois derniers jours répondent à ce besoin ».
Simulateur (cardio) vasculaire
Et il en va de même pour la start-up Pulso. « Nous ciblons de notre côté les centres de recherche et les universités qui travaillent dans le domaine du système vasculaire », explique Marco Testaguzza. Cet ingénieur biomédical a mis au point un dispositif de simulation vasculaire in vitro.
« Nous concevons et fabriquons des simulateurs capables de reproduire les conditions physiologiques de flux et de pression, offrant ainsi des outils réalistes pour la recherche, la formation et le développement d’autres outils médicaux », dit-il.
« Aujourd’hui, le développement de dispositifs cardiovasculaires repose souvent sur des études animales et sur des validations cliniques coûteuses. Parallèlement, les cliniciens et les ingénieurs manquent de modèles reproductibles et flexibles pour tester et démontrer leurs innovations. Cela crée un véritable goulet d’étranglement, ralentissant l’innovation, la formation des médecins et l’adoption sur le marché. Notre simulateur permet de remplacer des organes prélevés sur des animaux pour effectuer divers tests. Notre solution permet en effet de reproduire des conditions physiologiques représentatives de véritables systèmes cardiovasculaires ».
Etablir et entretenir la confiance
L’aventure allemande pour ces entrepreneurs du secteur des technologies médicales ne sera pas nécessairement simple à concrétiser. « Il faudra du temps et beaucoup d’investissements personnels », explique Clarisse Degée, de la société Telemis, basée à Louvain-la-Neuve.
Cette entreprise, ancienne spin-off de l’UCLouvain, propose notamment ses services digitaux aux hôpitaux en connectant leurs données d’imagerie et en les rendant utilisables en temps réel. De quoi faciliter la gestion et l’utilisation de ces images pour le diagnostic ou la collaboration à distance entre spécialistes.
Clarisse Degée est chargée depuis un peu plus d’un an de développer les activités de son entreprise en Allemagne. Elle vient de décrocher un premier contrat avec un opérateur allemand et partage volontiers son expérience.
« Comment une entreprise étrangère peut-elle percer sur le marché allemand », lance-t-elle? Dans un premier temps, Telemis a d’abord racheté une entreprise allemande de Düsseldorf déjà active dans le domaine de l’imagerie médicale. Quand elle est arrivée en Allemagne en septembre 2024, Clarisse Degée avait pour mission de développer un des trois produits de son entreprise sur ce marché, plutôt orienté vers la pathologie et la business intelligence, tandis que la filiale allemande était plus centrée sur la radiologie.
Privilégier les vraies rencontres
Très concrètement, la jeune femme a rencontré trois grands défis. « Il y a eu la question du démarrage à froid », explique-t-elle. « Au début, j’ai vraiment tout essayé : des appels téléphoniques, des e-mails, des contacts avec des organisations professionnelles, etc. C’est souvent ainsi que les entreprises abordent un nouveau marché étranger ».
« Cela n’a pas fonctionné. J’ai évidemment dû passer du virtuel à l’humain. C’est très difficile d’expliquer une solution nouvelle sur le marché à une assistante ou une secrétaire, surtout quand l’entreprise n’est pas encore connue. Je pensais qu’en Allemagne, il fallait obtenir un rendez-vous avant toute rencontre, qu’on ne pouvait pas se présenter spontanément sans manquer de respect. J’avais tort. La vraie solution était d’aller sur place, de participer à des congrès, de parler à tout le monde : aux secrétaires, aux techniciens, aux pathologistes, et enfin aux directeurs de laboratoires. Il fallait donc construire, en personne, ce réseau progressivement et se faire connaître ».
« Ensuite, il y a la question de l’adaptation. On pourrait croire qu’il suffit de transposer notre expertise belge en Allemagne telle quelle. Mais non, il existe un fossé culturel évident qu’il faut réussir à franchir. C’est en s’adaptant à la culture de futurs partenaires qu’on gagne finalement leur confiance. Et cette confiance se construit dans la relation humaine. Plus on interagit, plus cette confiance grandit ».
La présence sur place et les interactions humaines sont donc primordiales. Les quelques dizaines d’entreprises wallonnes qui participeront la semaine prochaine, avec l’aide notamment de l’Awex, à Medica, le grand salon médical de Düsseldorf, en sont déjà convaincues.