Les communications qui circulent par les fibres optiques ne “passent” pas toujours sans mal. Tout comme la transmission d’informations par des câbles électriques, les canaux optiques connaissent aussi certaines limites. Des limites qui restaient à définir. C’est ce que vient de réaliser le Pr Nicolas Cerf, du Centre for Quantum Information and Communication (QUIC) de l’Université Libre de Bruxelles.
« Depuis l’invention des lasers et des fibres optiques, dans les années 1960, les chercheurs s’interrogeaient sur la limite intrinsèque des télécommunications optiques », explique le Pr Cerf. « Avec mon collègue le Dr Raul Garcia-Patron, et deux collègues étrangers, nous venons de résoudre ce problème théorique ».
Taux de transmission limite
Les fibres optiques sont aujourd’hui largement répandues dans les réseaux de télécommunications. Ces lignes utilisent des impulsions de lumière pour transmettre les “zéros” et les “uns” qui forment les bits, constituant tous les contenus que génère notre société de l’information.
Pour comprendre le travail des chercheurs de l’ULB et de leurs collègues, il faut envisager les communications optiques dans une perspective physique. Les flux de données sont transmis via un support, à savoir la lumière, et ce sont donc les lois de la physique (plus précisément de l’électromagnétisme) qui régissent les mécanismes de ces transmissions. C’est bien la physique qui permet d’identifier le taux de transmission limite, c’est-à-dire le nombre de bits qui peuvent être transmis au maximum par seconde via une ligne optique.
Physique quantique
« On sait aussi, depuis Einstein, qu’une description fine de la lumière repose sur des quantas appelés photons », précise le Pr Cerf. « Il s’agit de grains de lumière, de gouttes infinitésimales qui ensemble constituent un faisceau de lumière ». Ce sont dès lors plus précisément les lois de la physique quantique (celles qui concernent les “quantas”) qui permettent d’expliquer les limites ultimes des transmissions optiques.
C’est donc du côté des sciences de l’information quantique, domaine de prédilection de l’équipe du Pr. Cerf, que les chercheurs ont concentré leurs efforts.
Bruit de grenaille
Dans leurs travaux, les chercheurs ont tenu compte d’un paramètre appelé “bruit de grenaille”: un bruit provenant des photons eux-mêmes. On pourrait presque dire qu’il s’agit du bruit engendré par la lumière. « Il s’agit d’un bruit d’origine quantique, qui perturbe les flux de données », précise le scientifique.
Ecoutez le Pr Cerf préciser ce qu’est le “bruit de grenaille”.
« C’est en tenant compte de ce bruit quantique d’origine corpusculaire que nous avons pu délimiter précisément le nombre de bits que peut porter un mode occupé par un nombre moyen de photons fixé », précise le chercheur.
Les travaux de l’équipe ne se sont pas limités à ces seules considérations. Ils ont aussi permis de démontrer “l’optimalité gaussienne de l’encodage et du décodage dans le contexte de ce qu’on appelle les canaux bosoniques gaussiens”… que nous ne détaillerons pas ici.
Il faut savoir que l’immense majorité des lignes de communication optiques, comme les fibres optiques, sont modélisées par de tels canaux bosoniques gaussiens (pour rappel, les photons sont des bosons), indique encore l’équipe. La portée de ces travaux publiés dans la revue Nature Photonics est donc vaste.
Ecoutez le Pr Cerf évoquer quelques applications potentiellement concernées par ses travaux et liées aux communications quantiques.