La saison scientifique en cours en Antarctique vient de livrer une fameuse surprise aux chercheurs opérant depuis la Station polaire belge Princess Elisabeth (« PES »), relevant de la Politique Scientifique fédérale (BELSPO). Une équipe de géologues allemands de l’Institut Alfred Wegener, a découvert voici trois semaines un gigantesque cratère dans la glace de l’Ice Shelf Roi Baudouin.
Ce cercle de deux kilomètres de diamètre pourrait être la signature d’un impact de météorite survenu voici dix ans dans la région. Si tel est le cas, le « caillou de l’espace » qui s’est écrasé sur Terre en 2004 devait avoir la taille… d’une maison!
Découverte sur la plateforme glaciaire flottante Roi Baudouin
La découverte remonte au 20 décembre dernier. Ce jour-là, l’avion polaire à hélices allemand Basler, basé pour le moment à la Station Polaire Princesse Elisabeth, profitait d’une belle journée pour explorer une zone de l’Ice Shelf Roi Baudouin.
L’Ice Shelf Roi Baudouin est une plateforme de glace flottante dont la ligne d’ancrage (la zone qui marque la limite entre la glace reposant sur le continent antarctique et celle qui commence à flotter sur l’océan) se situe à 120 kilomètres de la base belge.
C’est en regardant par le hublot que le géologue allemand Christian Müller a détecté l’étrange structure. « Je me suis immédiatement interrogé sur son origine », explique-t-il. De retour à la Station polaire Princess Elisabeth, il a entrepris quelques recherches dans la littérature scientifique internationale. « J’ai trouvé deux articles scientifiques récents mentionnant la détection d’une météorite géante dans cette région de l’Antarctique voici une dizaine d’années », précise-t-il. « La structure circulaire observée au sol pourrait en résulter ».
Infrasons et trainées de poussière dans la haute atmosphère
Le premier article scientifique est signé par des chercheurs américains et canadiens qui ont analysé divers enregistrements infrasonores dans la région datant de 2004. Cette étude indique qu’une grosse météorite s’est abattue sur Terre, dans cette région, le 3 septembre 2004.
Le second article scientifique, signé cette fois par des chercheurs australiens, rapporte l’observation, à la même époque et dans la même région, de trainées de poussières dans la haute atmosphère. Des trainées similaires avec celles laissées par des bolides extraterrestres pénétrant dans l’atmosphère de notre planète.
« La structure observée au sol est compatible avec ces études, y compris en tenant compte de l’érosion des dix dernières années », estime pour sa part le Dr Graeme Eagles, géologue de l’AWI et directeur de l’actuelle campagne allemande en Antarctique.
Une localisation précise jalousement gardée
« C’est une structure remarquable », explique le Pr Jean-Louis Tison, de l’Université Libre de Bruxelles. Le scientifique belge était en mission à la Station Princess Elisabeth, gérée par la Fondation polaire internationale, lorsque cette découverte a été faite.
« Nous n‘avons pas pu l’observer nous-même », précise-t-il. « Seules quelques photographies aériennes nous ont été montrées. Les Allemands ont été très discrets sur la localisation exacte de cette structure », précise le co-directeur du Laboratoire de Glaciologie de l’ULB.
De l’analyse de ces images, le Pr Tison estime que ce cercle se situe « à la limite de la ligne d’ancrage de l’Ice Shelf, la zone où la glace continentale quitte le sol rocheux et se met à flotter au-dessus de l’océan ». La glace affiche à cet endroit une épaisseur de l’ordre de 150 à 250 mètres.
Altimétrie laser
Le 26 décembre, l’équipe allemande est retournée au-dessus de ce fameux cercle. Elle a découvert d’autres structures circulaires plus petites. Elles pourraient confirmer la théorie de l’impact météoritique. Quand un bolide céleste pénètre dans notre atmosphère, il peut se morceler. Les petits cercles seraient la signature d’impacts secondaires.
Lors de deux passages en avion au-dessus du fameux cercle, à 450 mètres et à 2 kilomètres d’altitude, les géologues de l’AWI ont pris des photos et filmé le cratère afin d’en dresser une cartographie. Ils ont aussi effectué des relevés altimétriques par laser.
Ces données vont être étudiées en Allemagne. Dans le futur, une autre équipe de géologues de l’AWI pourrait revenir sur place pour une étude de terrain. Les scientifiques allemands qui utilisent depuis 2012 la Station Princess Elisabeth comme base de travail estivale travaillent principalement sur l’histoire géologique de la région. Ils s’intéressent principalement à la formation et à l’éclatement du Gondwana: cet ancien supercontinent qui existait il y a 550 à 180 millions d’années. Ils sont moins familiers avec les cratères d’impact météoritiques.
Pour étudier l’histoire géologique de la région, les chercheurs de l’Institut Alferd Wegener ont recours à des relevés aériens. Ce qui explique la présence temporaire de l’avion polaire Basler BT-67 à la station belge. Le Basler est équipé de multiples instruments scientifiques, dont un gravimètre, un magnétomètre, un radar, des antennes GPS, etc.