On l’attendait depuis des années: la voici enfin ! Le muséum des Sciences Naturelles de Belgique dispose enfin de sa nouvelle « Galerie de l’Homme ». Une salle permanente qui « ouvre » la visite du musée, juste après la salle des minéraux… et avant celles des dinos!
L’Homme n’est-il qu’une parenthèse dans l’histoire de la vie? Avec ses 7 millions d’années à peine, Sahelanthropus tchadensis, démarre la ligne du temps dans la première partie de l’exposition consacrée à l’évolution. Sept millions, c’est effectivement peu comparé aux 4,5 milliards d’années de la Terre. Mais quelle évolution en si peu de temps!
L’histoire des hominidés est buissonnante
Homo Sapiens, l’homme anatomiquement moderne, « nous » en d’autres termes, n’apparaît que voici 200.000 ans, au terme d’une évolution non linéaire. Entre ces deux dates, de multiples espèces humaines ont vu le jour. Certaines se sont côtoyées. Toutes ont fini par s’éteindre, sauf la nôtre. La première partie de la salle invite à découvrir cette parenté buissonnante.
La deuxième partie fait la part belle aux évolutions qui ont permis notre modernité. Quatre adaptations majeures ont retenu l’attention de la muséologue Sophie Boitsios: la bipédie, l’utilisation plus efficace des mains, le développement du cerveau et la diminution de la taille des dents.
La troisième plongée dans cette humanité décortiquée à Bruxelles concerne notre corps « moderne ». Elle passe en revue les différentes étapes de la vie, de la fécondation à l’adulte vieillissant.
Effets visuels, bocaux de formol, organes plastinés
On appréciera les mannequins qui jalonnent la nouvelle salle. Ils permettent de prendre la mesure de l’anatomie de nos ancêtres et cousins éloignés. Dans la partie moderne, diverses animations didactique et accessibles sont projetées sur ces mannequins devenus« écrans ». Une scénographie originale, même si certains embryons conservés dans des bocaux de formol peuvent de prime abord surprendre.
Une ligne du temps pour visualiser les liens de parenté entre hominidés
Quand les os se mettent à parler…
Comment les scientifiques parviennent-ils à déduire certaines informations sur la vie et les habitudes de nos ancêtres ou de nos cousins dont ils ne disposent souvent que de quelques fossiles incomplets? Caroline Polet, anthropobiologiste à l’Institut Royal des Sciences naturelles de Belgique, lève un coin du voile sur sa spécialité… « faire parler les fossiles ».
Le squelette est, en effet, une structure dynamique qui est influencée durant sa croissance et son développement par de nombreux facteurs tels que les maladies, l’alimentation et les comportements. Les ossements et les dents constituent donc des “archives biologiques “, indique-t-elle.
Avons-nous affaire à une femme ou à un homme ? A quel âge est décédé cet individu ? La détermination de l’état civil passe par deux critères primordiaux : le sexe et l’âge.
Concernant le sexe, l’outil le plus efficace pour distinguer une femme d’un homme, c’est le bassin osseux : « Le détroit supérieur (endroit par lequel passe le nouveau-né) est plus large chez la femme que chez l’homme. De plus, l’angle formé par les deux os pubiens est beaucoup plus ouvert chez la femme. Enfin, l’échancrure sciatique est, également beaucoup plus ouverte chez la femme ».
Au cas où le bassin serait absent ou trop fragmentaire pour pouvoir l’utiliser de façon efficace, on pourra se baser sur le crâne. En effet « contrairement à l’homme, la femme présente généralement une glabelle peu proéminente entre les deux sourcils (zone lisse et sans bourrelets) et elle possède des bosses frontales, contrairement à l’homme, dont le front est plus fuyant ».
Quand c’est possible, l’élément le plus fiable reste bien sûr l’analyse ADN (mais bien souvent, les corps sont trop décomposés pour pouvoir récupérer une séquence d’ADN intéressante). Dans ce genre d’analyse, il faut néanmoins rester très vigilant: « des altérations sont toujours possible, et il faut veiller à prélever l’ADN dans un endroit à l’abri de toute contamination comme par exemple la pulpe dentaire ».
Pour ce qui est de l’âge, il existe une grande différence de méthode entre, d’un côté, les individus immatures et, de l’autre, les adultes. En ce qui concerne les bébés et les enfants, « on procédera à une radiographie des maxillaires et des mandibules pour visualiser l’état de développement des germes dentaires », ce qui nous donnera une estimation assez précise de l’âge. Tandis que pour les adultes, « cela devient plus problématique, nous sommes toujours dans de l’approximatif, et nous tablons sur des fourchettes ». Néanmoins, trois techniques sont principalement utilisées : l’étude du crâne « on examinera les sutures crâniennes, qui ont tendance à s’oblitérer, à disparaître avec l’âge », l’analyse de l’usure des dents et les modifications de la symphyse pubienne (jonction entre les deux pubis).
Qu’il s’agisse d’une entorse ou d’une fracture, les traces des traumatismes que nous subissons de notre vivant restent visibles bien après la mort!
Par exemple, « une trace rugueuse sur le raccord tibia péroné témoignera d’une élongation de ligament, et donc d’une entorse de la cheville ». Les fractures aussi laissent des traces, au point de pouvoir comprendre ce qui s’est vraiment passé « une fracture du cubitus indique souvent une bagarre. En effet, c’est la partie du bras avec laquelle on tente d’amortir les coups et de se protéger le visage. Tandis qu’une fracture du radius témoigne bien souvent d’une chute ! ».
Les traumatismes plus graves, comme les amputations ou trépanations du crâne, laissent, quant à elles, nombre d’indices! En effet, outre le fait de constater qu’une jambe a été amputée, nous pouvons également deviner si cette amputation a été mortelle ou non, « si l’on retrouve des traces de proliférations osseuses sur ces moignons, cela témoigne d’une guérison ». Même principe pour les trépanations du crâne « celles-ci peuvent avoir été provoquées soit par raclage, soit par forage. Dans les deux cas, des pourtours de blessures mousses, c’est-à-dire non tranchants, témoignent d’une guérison ».
Mis à part quelques traces aspécifiques, les maladies laissent rarement des traces parlantes sur les os. Exception faite de trois d’entre elles: la lèpre, la tuberculose et la syphilis (au stade tertiaire).
La lèpre est « une maladie qui attaque les nerfs, et qui a donc comme conséquence la perte de sensibilité des extrémités. Beaucoup se cognent, tombent… Les blessures s’infectent, les extrémités se nécrosent et les os des mains et des pieds prennent l’aspect de sucre d’orge sucé ».
La tuberculose, quant à elle, « peut attaquer la colonne vertébrale, ce qui provoque dans un premier temps la disparition des disques intervertébraux puis l’affaissement des vertèbres, pour ensuite parvenir à une soudure, qui conduira à une déformation irréversible du rachis (gibbosité) ».
Enfin la syphilis tertiaire « laisse des lésions en forme d’étoiles sur le crâne, des cavités et des os gonflés… Si elle est contractée pendant la grossesse, il pourra y avoir chez l’enfant des séquelles osseuses et des malformations dentaires (incisives en tournevis et molaires mamelonnées) ».
Dans le même ordre d’idées, l’étude des os peut également traduire des pratiques alimentaires, grâce aux traces laissées par les pathologies liées aux carences alimentaires.
« Le rachitisme se traduira par une incurvation des os, une malnutrition se révélera par des hypoplasies de l’émail dentaire (bandes d’émail moins épais) ».
Par ailleurs, « les particules de silice (phytolithes) présentes dans le tartre nous permettront de savoir quelle espèce végétale la personne a consommée… ».
Enfin, nos habitudes quotidiennes laissent également des traces sur notre squelette : un plongeur en eau froide aura des excroissances arrondies dans les conduits auditifs (dues à une prolifération de l’os suite au contact de l’eau froide), un cavalier présentera une empreinte iliaque sur le fémur, les fumeurs de pipe, couturières, et charpentiers présenteront une usure particulière des dents …