Série / Autres regards sur Waterloo (1)
Alors que les commémorations des derniers jours de Napoléon et de sa défaite à Waterloo voici deux siècles occupent une bonne partie de la scène médiatique, la Bibliothèque Royale de Belgique propose de revisiter de façon plutôt originale cet épisode historique.
Demain s’ouvre en plein cœur de Bruxelles, dans la Chapelle de Nassau de la Bibliothèque Royale, une exposition consacrée à la défaite napoléonienne. Son titre interpelle: « La beauté de la guerre. Waterloo 1815-2015 ». « C’est bien entendu une provocation », précise l’historien et artiste Koen Broucke, commissaire de l’exposition.
Les visions romantiques sont une falsification de l’Histoire
«L’exposition aurait dû s’intituler «La beauté de la représentation de la guerre », ou, mieux encore, “L’étonnement de ce que l’art (à l’époque essentiellement la peinture et le dessin) soit capable de transformer en quelque chose de beau, un sujet aussi horrible et cruel que la guerre” », explique l’historien de l’Université d’Anvers (anciennement Faculté universitaire Saint-Ignace d’Anvers) et de la VUB.
« Le raccourci opéré engendre une tension ironique, qui accentue encore le caractère horrible et affreux de la guerre. »
Tandis qu’un historien appuie plutôt son travail sur des écrits, Koen Broucke a choisi de « montrer » la bataille de Waterloo. « Mais pas n’importe comment », reprend-il aussitôt.
« Les représentations graphiques les plus diffusées de cette bataille datent surtout de la fin du 19e siècle. C’est l’époque des grands panoramas. Résultat: l’imagerie actuelle propose surtout des visions héroïques et romantiques de cette bataille dérivées de cette époque. C’est une sorte de falsification historique », s’exclame-t-il.
Des images naïves de 1815, déjà« commerciales »
L’historien a choisi de montrer les trésors issus des collections du Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Royale de Belgique.
« Des images qui ont été fabriquées au lendemain de la bataille ou quelques jours plus tard », précise-t-il. « Elles sont parfois naïves et répondaient déjà, pour certaines, à une forme de pression commerciale ».
« Il y a très vite eu un certain tourisme à Waterloo, anglais surtout, et ce juste après la défaite napoléonienne », indique-t-il.
« Sur ces images plus réalistes, on voit les cadavres, on perçoit la cruauté de la bataille. A mes yeux d’historien, ces pièces sont plus intéressantes que les représentations ultérieures ».
Koen Broucke est aussi un artiste plasticien reconnu. Il a lui-même peint de nombreuses œuvres sur la bataille de Waterloo et en a donné une bonne partie au Cabinet des Estampes.
L’exposition offre dès lors un télescopage entre les représentations historiques de la bataille et les œuvres contemporaines du commissaire. Au total, 160 œuvres sont exposées: des acryliques sur toile, des dessins, des gravures contemporaines. Elles côtoient des œuvres dues à des artistes de renom: Joseph Mallord, William Turner, Francisco Goya, James Ensor…
« Plusieurs pièces relatives à la Bataille n’ont jamais été exposées auparavant », affirme Joachim Spyns, de la Bibliothèque Royale. « Ainsi, une farde grise quelque peu anodine s’est révélée contenir un album de dessins colorés représentant des uniformes de la célèbre bataille, dessins réalisés par Jean-Baptiste Rubens en 1815 ».
Mélange des genres? Sans aucun doute. Mais pour la bonne cause. La bataille de Waterloo occupe une place importante dans les recherches doctorales de Koen Broucke. L’historien prépare actuellement une thèse sur la thématique des champs de bataille et les zones de conflits. Un doctorat en Arts (à la KULeuven), qui privilégie, en guise de sources, l’image plutôt que le texte.