Deux millions de Belges vivent dans des quartiers dits « en difficulté ». Les écarts sociaux entre ces zones urbaines et les quartiers aisés de nos villes se creusent. Voilà deux des résultats de l’étude menée, en collaboration avec la KUL, par le Dr Gilles Van Hamme, professeur assistant de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et Taïs Grippa, doctorant.
« Notre étude porte sur l’analyse dynamique des quartiers en difficulté dans les régions urbaines belges. Elle a été réalisée pour le compte du SPP Intégration Sociale », souligne Gilles Van Hamme, du Laboratoire de Géographie Humaine (IGEAT). Elle a été publiée cet été.
Périurbanisation et gentrification
Cet atlas présente un portrait détaillé de la répartition des groupes sociaux dans les 22 principales régions urbaines de Belgique. Ces analyses sont basées sur 23 indicateurs, représentatifs de différentes dimensions de la précarité : marché du travail, origine, revenu et poids des transferts sociaux. Sur cette base, les chercheurs ont construit un indice synthétique de difficulté pour tous les quartiers dans les 22 régions urbaines.
Si aucune ville belge n’est identique à l’autre, certaines similitudes ont été constatées par les chercheurs en matière de répartition de la pauvreté. La différence entre les centres-villes appauvris et les périphéries aisées étant une des caractéristiques récurrentes.
« La périurbanisation des classes aisées se poursuit à un rythme soutenu », constatent les chercheurs. « Et les processus locaux de gentrification ne constituent pas une contre-tendance à ce processus, même si localement leurs effets peuvent être importants ».
Le poids de la crise structurelle des années 1970 en Wallonie
Plus de 283.000 personnes résident dans un quartier en difficulté dans la région de Liège (43%). A Charleroi, ce chiffre est de 230.000 habitants (56%).
Toutefois, les grandes villes flamandes ne sont pas épargnées. Tout comme à Bruxelles, de nombreux habitants vivent dans des quartiers pauvres : ils sont 200.000 à Anvers (20%) et 78.000 à Gand (18%). C’est là que s’accumulent les problèmes tels que chômage, dépendance vis-à-vis des revenus de remplacement, forte présence de personnes d’origine étrangère, soucis de santé et mauvais résultats scolaires.
Du chômage aux allocations sociales
Au sein des secteurs, un phénomène important de glissement du taux de chômage vers le taux d’allocataires sociaux est observé. A Liège, par exemple, le taux de chômage a baissé de 12,28% alors que le taux d’allocataires sociaux a augmenté de 26,09%. A Charleroi, ces taux respectifs s’élèvent à -13,48% et +86,07%. Dans la capitale, le taux de chômage a baissé de 1,21% et le taux d’allocataires sociaux a augmenté de 30,73%. Quant aux villes d’Anvers et de Gand, elle affiche des taux respectifs de -12,75% et +20,37% et de -23,91% et +42,46%.
Les données de l’étude s’étendent sur une période allant de 2003 à 2010, ce qui permet d’obtenir une vision claire de l’évolution des différents problèmes des quartiers en difficulté, comme le chômage, le revenu, l’afflux massif de nouveaux arrivants… Les résultats précédents avaient été publiés en 2006.
Namur, un cas particulier
La ville de Namur et ses communes voisines constituent un cas à part en Wallonie. « Il s’agit de l’agglomération wallonne présentant la plus faible proportion de résidents dans les quartiers défavorisés, avec un peu moins de 20% », précise l’Atlas 2015.
« Cela s’explique par le fait que Namur, au contraire des grandes villes wallonnes, n’a pas développé un tissu industriel important et ne doit pas en gérer sa reconversion. Elle n’a donc pas, en corollaire, connu de fortes concentrations d’étrangers issus des premières vagues de l’immigration et le poids de la population ouvrière y est modéré. Si une immigration récente peut être observée, elle reste modérée : la proportion de personnes nées dans un pays intermédiaire ou pauvre ne dépassant pas 5% de la population totale, même si elle atteint 17% au sein des quartiers défavorisés ».
« Le caractère tertiaire de cette ville de taille moyenne a encore été renforcé par son accession au statut de capitale régionale dès 1986. Toutefois, dans ce contexte favorable, il n’en reste pas moins que près de 20% de la population résidant dans des quartiers en difficulté soit des proportions bien supérieures à celles rencontrées en Flandre dans des villes de taille comparable, comme Hasselt ou Bruges ».