Depuis 2008, le chercheur Pascal Minotte étudie l’impact des nouvelles technologies sur le comportement des jeunes et de leurs aînés. Aux éditions Mardaga, dans la collection «Santé en Soi» dirigée par la médecin Karin Rondia, le psychologue du Centre de référence en santé mentale (CRéSaM) propose un panorama nuancé de leurs usages dans «Dévoreurs d’écrans».
«Lorsqu’on est chercheur, il est malheureusement beaucoup plus facile d’obtenir des budgets pour travailler sur les usages problématiques que sur les usages en général», relève Pascal Minotte. «Ce constat n’a rien d’étonnant. Il est normal que les pouvoirs publics sollicitent avant tout de l’aide concernant des problèmes de santé publique et des conduites à risque. Mais, cela influence aussi profondément notre façon de percevoir les usages des écrans. Dans ce livre, j’évoque notamment les usages problématiques. Parce qu’il y a une attente compréhensible des lecteurs et parce que c’est ce que je connais le mieux. Cependant, s’il y a bien une chose que je désire éviter, c’est de nourrir la panique morale autour des écrans et de leurs usages.»
Voir le bon côté des nouvelles technologies
Se concentrer sur les usages problématiques empêche de voir le bon côté des TIC, les technologies de l’information et de la communication… «Ce qui est inquiétant, c’est la difficulté des adultes à évoquer des exemples positifs et à reconnaître les intentions positives des adolescents et les aspects positifs de leurs usages des écrans. Or, il sera très difficile d’entrer en communication avec nos enfants si nous sommes encombrés par trop d’images négatives.»
Pas facile de valoriser les motivations et les usages constructifs tout en informant des risques potentiels. Pour que ce soit possible, il faudrait encourager enfants et ados à s’exprimer au départ de leur vécu.
«Dans la plupart des cas, nos ados ne sont pas accros aux nouvelles technologies, mais plutôt à la possibilité qu’elles offrent de rester en lien de façon continue avec leurs copains et copines. Les smartphones et les réseaux sociaux répondent de façon presque providentielle aux enjeux et aux désirs des adolescents et des jeunes adultes. L’appétence pour ces moyens de communication est normale et ne constitue en rien la preuve que tout va à vau-l’eau.»
Tout dépend de l’usage
Internet ne gomme pas les comportements solidaires. Les utilisateurs réguliers des réseaux sociaux ou de jeux vidéo ne sont pas moins sociables…
«Il serait absurde de décréter dans l’absolu que les TIC ont une influence positive ou négative dans nos vies. Cela dépendra principalement de l’usage que nous en faisons et donc d’une multitude de facteurs comme nos compétences techniques mais aussi notre maturité affective. Nos représentations sur ce qu’il est raisonnable de faire ou pas…»
Le rôle primordial des parents et de l’école
Dès que la lecture et l’écriture sont maîtrisées, un accompagnement actif où les parents parlent à leur enfant, s’asseyent à côté de lui, partagent ses activités s’avère le plus efficace pour prévenir les situations hasardeuses. Pour profiter au maximum des espaces numériques. Par la suite, les ados s’autonomisent. Font leurs expériences par eux-mêmes.
«Ce n’est pas pour autant qu’il n’est plus possible de partager des activités numériques», souligne le psychothérapeute. «Certains parents craignent que s’intéresser aux jeux vidéo de leurs enfants, ou jouer avec eux, augmente les risques de pratiques excessives. C’est pourtant l’inverse qui est vrai. Le jeu vidéo qui est pratiqué dans un contexte socialisant n’est pas une activité à risque. Jouer ensemble, c’est aussi apprendre ensemble à gérer son temps et ses émotions. L’utilisation des nouvelles technologies à l’école est l’occasion de faire de l’éducation aux médias. Et, notamment, de transmettre les quelques balises nécessaires à un usage averti d’Internet.»
Le cyberharcèlement… «Pour diminuer les chances qu’il se produise, il est possible de renforcer l’estime de soi et l’empathie chez les enfants et les adolescents. On constate que les écoles où il y a peu de présence et de disponibilité des adultes, où les élèves se vivent comme des déclassés, relégués ou encore les écoles où la compétition entre élèves est très importante sont des espaces de vie où il y aura d’autant plus de risques de voir émerger des dynamiques de groupe négatives. Et des phénomènes de violence entre élèves.»