Sécurité : les lunettes de sommeil ouvrent un œil à Liège

23 février 2016
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

Comment s’assurer que la vigilance de personnes occupées à des tâches à hauts risques reste optimale tout au long de leurs prestations ? Voilà une des questions centrales abordées cette semaine à Bruxelles, dans le cadre du symposium international « SomnoSafe », organisé par le Pr Jacques Verly, de l’Université de Liège (ULg).

 

« Il y a deux ans, notre premier symposium, déjà intitulé Somnosafe, se concentrait essentiellement sur la somnolence au volant et sur les problèmes de sécurité routière », indique le Pr Verly, qui relève du département d’électricité, électronique et informatique de l’ULg. « Cette année, nous étendons nos travaux à tout ce qui touche aux problèmes de vigilance et de distraction susceptibles d’entraîner des accidents, y compris dans d’autres contextes ».

 

120 images de l’œil par seconde décodées en temps réel

 

La somnolence au volant reste toutefois un temps fort de ce symposium.  La preuve par la présentation d’une des dernières spin-off de l’ULg travaillant précisément sur cette thématique.  Phasya propose à la fois des lunettes intelligentes qui surveillent les mouvements des yeux du conducteur et un logiciel performant qui analyse ces mouvements en temps réel.

 

« Notre système capte les mouvements des paupières du conducteur et de son globe oculaire 120 fois par seconde », précise l’ingénieur (ULg) Jérôme Wertz, le jeune patron de la nouvelle société. « Il décode les signaux, les analyse et le cas échéant, donne l’alerte. »

 

L’avancée technologique est belle. Notamment en ce qui concerne le système de capteurs infrarouges utilisé et l’algorithme associé aux lunettes qui décode les signaux. Elle ne s’est cependant pas faite en un jour.

 

Les mouvements oculaires, miroir de l’état du cerveau

 

« Je travaille depuis plus de dix ans sur un système qui permet de détecter la somnolence au volant », reprend le Pr Jacques Verly, vice-doyen de la Faculté des Sciences Appliquées de l’Université de Liège. « Mon rêve était de voir un jour de telles « lunettes de sommeil » prendre place dans la boite à gants de tous les véhicules circulant sur nos routes, afin de sauver des vies humaines. Avec le système proposé par Phasya, nous disposons enfin d’un tel outil. Même si pour le moment, il n’est encore destiné qu’à quelques utilisateurs privilégiés et au monde de la recherche ».

 

Ecoutez l’ingénieur Jérôme Wertz expliquer en quoi ces lunettes à caméras rapides permettent en réalité de surveiller… le cerveau

Somnolence, GSM ou pizza au volant? Danger!

 

La somnolence au volant n’est pas le seul facteur de risque. La distraction causée par les GSM, les activités connexes réalisées quand on conduit, par exemple se raser, se maquiller ou…. manger une pizza, constituent également des comportements « distrayants » que les systèmes de détection embarqués pourraient aider à limiter, voire à supprimer.

 

« Et dans ce contexte, les conducteurs ne sont plus les seuls concernés par nos travaux », précise le Pr Verly. « Je pense ici aux personnes qui travaillent dans des domaines sensibles, où la vigilance doit rester optimale pour que les meilleures décisions soient prises au moment le plus opportun ».

 

« Par exemple dans le milieu médical, les contrôleurs aériens, les gestionnaires de centrales nucléaires, etc. Bref, partout où des accidents risquent de produire quand le personnel arrive en fin de journée ou de nuit de travail, quand il est fatigué et qu’il risque de prendre de mauvaises décisions. On l’a vu avec les accidents de Tchernobyl ou encore de Three Miles Island aux Etats-Unis. »

 

Surveillance des patients dans le coma

 

Un dispositif comme les « lunettes de sommeil », développées à Liège, trouvent également un certain écho dans un tout autre domaine. « Dans le cadre de recherches menées sur la surveillance de personnes sortant du coma, l’équipe du Pr Laureys, du Coma Science Group de l’ULg, teste également notre dispositif, indique l’ingénieur Jérôme Wertz.

 

L’idée de ces essais est de voir dans quelle mesure un appareillage simple et moins lourd à utiliser qu’une IRM permet de suivre de manière objective l’évolution de l’état de conscience d’un patient qui a connu un coma ».

 

Sur le nez, mais aussi au poignet

Retour derrière le volant, avec une autre application connectée, susceptible d’améliorer la sécurité routière : une montre connectée également présentée lors du symposium SomnoSafe.

 

Il s’agit cette fois d’un produit américain, proposé par CurAegis. « Cette montre est dotée de divers capteurs qui enregistrent seize paramètres différents », indique Matt Kenyon, le directeur de la technologie au sein de cette société new-yorkaise (Rochester).

Elle aide à gérer son temps de sommeil, via une application mobile qui reçoit et traite les informations enregistrées. Elle tient notamment compte des périodes de luminosité, du rythme cardiaque, de la température corporelle, de la conductivité de la peau: autant de paramètres qui, une fois interprétés, doivent permettre de réguler notre rythme circadien ».

 

En 2015, le nombre de tués sur les routes wallonnes a augmenté

La situation est loin d’être rose en Wallonie, comme en attestent les chiffres de l’Institut belge de la sécurité routière (IBSR). Au cours des neuf premiers mois de 2015, le nombre de tués sur les routes wallonnes a nettement augmenté par rapport à la même période en 2014…

 

tues sur les routes belges source IBSR

 

Avec ces outils, la sécurité routière devrait sensiblement s’en trouver améliorée. Le conducteur connecté à tous les cartes en main pour ne plus mettre sa résistance à l’épreuve, au risque sinon d’y laisser la vie.

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