Une protéine qui fait mal

15 mai 2019
par Olivier Finet
Temps de lecture : 3 minutes

Tous les vertébrés ressentent la douleur. Cette sensation pénible et désagréable passe par l’action de neurones spécialisés : les nocicepteurs. Une équipe de l’Institut de neuroscience de l’ULB étudie les caractéristiques de ces récepteurs et a mis en évidence le rôle primordial de la protéine PRDM12 dans leur genèse.

Mutation problématique

En 2015, des chercheurs allemands et britanniques ont montré que des mutations dans le gène PRDM12 se manifestent par une insensibilité congénitale à la douleur (ICD).

Les patients atteints d’une ICD s’automutilent, souffrent d’écorchures faciales ou encore d’ulcères aux pieds. La raison de ces symptômes est simple mais peu banale :  ils ne ressentent pas ou peu la douleur.

La corrélation démontrée entre PRDM12 et l’ICD a généré un intérêt tout particulier pour l’étude de ce gène. 

Produire des nocicepteurs

 “Activé dès le développement embryonnaire, le gène PRDM12 n’est exprimé que dans le système nerveux et principalement dans les nocicepteurs” explique Eric Bellefroid, professeur à l’Institut de Neurosciences de l’ULB.  

 La protéine PRDM12 jouerait donc un rôle spécifique dans la production de neurones sensibles à la douleur, et ce même avant la naissance.

Lorsque le gène PRDM12 est supprimé dans des embryons de souris, les ganglions de la tête et du tronc sont plus petits. Et ce parce que sans PRDM12, les neurones spécialisés ne se développent pas.

 Sans PRDM12, pas de nocicepteurs. Sans nocicepteurs, pas de sensation à la douleur. Des chercheurs suédois ont obtenu les mêmes résultats renforçant encore plus les observations des scientifiques belges.

Crapaud, souris et cellules humaines

 Le gène PRDM12est dit “conservé” car sa séquence est retrouvée dans un panel très large d’organismes. L’équipe de l’ULB a travaillé sur trois modèles différents : le crapaud (Xenopus), la souris et des cellules souches d’origine humaine.

“On utilise le crapaud parce que les embryons sont disponibles en grande quantité et se développent à l’extérieur du corps de la mère. Tous les premiers stades du développement sont accessibles” explique le Pr Bellefroid.

Travailler avec des embryons de souris présente un avantage énorme pour observer ce qu’il se passe chez les mammifères.

L’utilisation des cellules humaines permet d’étendre les conclusions obtenues à partir des deux premiers modèles.

Un potentielle  thérapeutique

Non seulement PRDM12 est requis pour la genèse des nocicepteurs mais aussi pour la maintenance de ceux-ci. Cette protéine est produite tant au niveau des neurones des embryons que des adultes et a un rôle à jouer dans la sensation de douleur bien après la fin de notre développement.

Imaginer un médicament qui cible PRDM12 est-il une utopie ? Pas forcément, mais il faut y aller pas à pas et impliquer le secteur pharmaceutique. C’est ainsi que le laboratoire collabore avec UCB dans le cadre d’un projet Win2Wal.

“Que se passe-t-il quand on élimine PRDM12 chez la souris adulte ? Cela va-t-il changer les propriétés électrophysiologiques des neurones ? Le comportement des souris sera-t-il différent sans PRDM12 ? Seront-elles moins sensibles ? Est-ce que PRDM12 est impliqué dans des douleurs chroniques ?” se questionne le Pr Bellefroid.

“Si la réponse est oui à toutes ces questions, alors PRDM12 deviendrait véritablement une cible intéressante pour le développement de nouvelles approches thérapeutiques” conclut-il.

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