Deux chiffres pour fixer les idées. Chaque année en Belgique, 24.000 personnes décèdent d’un cancer. Et 90% de ces décès sont dus aux métastases. « C’est pour cela que nous nous intéressons à elles », explique le Pr Pierre Sonveaux, Chercheur qualifié F.R.S.- FNRS à l’Institut de Recherche Expérimentale de Clinique (IREC) de l’UCL, l’Université Catholique de Louvain. « Nous voulons les empêcher de se développer et de migrer partout dans l’organisme. C’est cela qui tue les patients atteints d’un cancer. »
Et avec son équipe, le docteur en sciences pharmaceutiques vient tout juste d’identifier un moyen d’empêcher les métastases de se répandre dans l’organisme d’un patient. Pour l’instant, sa découverte, “une première mondiale”, répète-t-il volontiers, n’a été testée que sur des souris. Celles-ci ont été infectées soit par un cancer cutané (de souris) mais aussi, pour un autre échantillon, par des cellules cancéreuses humaines (cancer du sein métastatique). Dans les deux cas, la stratégie anti-métastases développée à l’UCL donne de bons résultats.
La piste des mitochondries
Entre les souris qui ne bénéficient pas du médicament “anti-métastase” et celles qui en disposent, la différence saute en effet aux yeux. La photo en tête d’article illustre ces deux cas de figure. Chez les souris traitées (en bas), les métastases (les taches noires sur les poumons) sont (quasi) absentes.
Quel est ce miracle ? “Nous agissons sur les mitochondries”, précise le scientifique. “Il s’agit des centrales énergétiques des cellules. Dans les cellules cancéreuses, elles sont surdéveloppées et produisent une sorte de signal qui expédie des cellules cancéreuses dans le sang ou dans le système lymphatique. Ces cellules vont alors se fixer dans d’autres organes. C’est comme cela que le cancer se répand…”
Avec la collaboration du Dr Paolo Porporato (chargé de recherche F.R.S.- FNRS) et d’autres jeunes chercheurs de son équipe, le Pr Sonveaux a identifié les mécanismes moléculaires à l’origine de ces signaux migratoires qui proviennent des mitochondries. Celles-ci surproduisent des radicaux libres appelés “superoxyde” dans les cellules cancéreuses. Et c’est cette surproduction de superoxyde qui entraîne la formation de métastases et par conséquent la progression tumorale.
Impliquée dans d’autres pathologies humaines comme les maladies de Parkinson et d’Alzheimer, la production de superoxyde par les mitochondries peut être bloquée par des antioxydants très spécifiques. Dans le cas des cancers testés sur les souris, ce sont ces composés antioxydants qui ont donné de bons résultats.
Un appel du pied à l’industrie pharmaceutique
Un espoir thérapeutique en vue? “Attention”, prévient le Pr Sonveaux. “Nous n’avons pour l’instant travaillé que sur des souris. Et nos travaux montrent aussi que les composés antioxydants utilisés ne sont efficaces que pour prévenir la dissémination de métastases. Ils ne permettent pas d’éliminer celles qui sont déjà répandues dans l’organisme”.
“Par contre, en ce qui concerne le développement d’un médicament potentiel pour lutter contre la migration de cellules cancéreuses, nous avons une piste intéressante. Et elle concerne l’industrie”.
Des essais cliniques de phase 2 de médicaments potentiels contre l’hépatite et la maladie d’Alzheimer sont actuellement en cours. “Le mécanisme d’action de ces médicaments est identique à celui que nous avons identifié dans le cadre de nos travaux. Il y a là un terrain d’entente potentiel…”