La science criminelle s’impose chez Sherlock Holmes

28 juillet 2014
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min
La science criminelle s'impose chez Sherlock Holmes. Par E. J. Wagner, édition Le Pommier, 22 euros
La science criminelle s’impose chez Sherlock Holmes. Par E. J. Wagner, édition Le Pommier, 22 euros

En 1887, la criminalistique anglaise relève très largement des professions médicales. Le médecin et écrivain écossais Arthur Conan Doyle , né en 1859 à Édimbourg, se passionne pour la naissance de la science criminelle. Son héros Sherlock Holmes utilise les découvertes les plus récentes pour examiner la scène d’un crime. Identifier les empreintes. Décrypter les indices biologiques. Prouver un empoisonnement…

 

Aux éditions Le Pommier, l’historienne du crime E. J. Wagner  marche sur les traces du détective avec «La science de Sherlock Holmes». Un an d’écriture et une trentaine d’années de recherches ont été nécessaires pour rédiger cette passionnante introduction aux domaines de la police scientifique. De la médecine légale à l’expertise des écritures. En passant par la balistique, l’analyse des empreintes digitales ou la toxicologie. Référence est faite à de célèbres affaires  criminelles.

 

Détecter le sang

 

«L’esprit créatif et la passion de Sherlock Holmes pour la science trouvent une manifestation éclatante quand il annonce, à son ami le docteur Watson, qu’il a mis au point un test pour révéler l’hémoglobine», souligne l’historienne étasunienne. Dans «Une étude en rouge», la première aventure parue en 1887, le détective est comblé. En utilisant un réactif qui n’est précipité que par l’hémoglobine, il a résolu un problème complexe qui se pose depuis toujours à l’investigation policière. Savoir si les marques brunâtres séchées, découvertes sur les vêtements d’un suspect, sont des taches de sang, de rouille, de fruits, etc.

 

Holmes pêche cependant par excès d’optimisme. Il existait déjà un test très fiable, l’analyse spectrale utilisée dès 1864 au London Hospital. Mais la méthode ne permettait pas de déterminer s’il s’agissait de sang humain. Il faut attendre 1915 pour que l’utilité des groupes sanguins fasse ses preuves en matière judiciaire.

 

Prouver l’empoisonnement

 

Les histoires de Conan Doyle exploitent la fascination qu’éprouve le public de l’époque pour les procès d’empoisonnement. Au XIXe siècle, ce sont surtout des femmes qui se retrouvent sur le banc des accusés. Mais, il est souvent difficile d’obtenir leur condamnation. Fin connaisseur des substances venimeuses issues des reptiles ou des amphibiens, Holmes est prompt à soupçonner leur usage. Sur les cadavres, il relève avec sagacité les deux petits points sombres de crocs empoisonnés. Ou des traces d’injection…

 

«Sherlock Holmes est ici visionnaire», juge E. J. Wagner. «Plusieurs affaires d’empoisonnement du XXe siècle devront d’être résolues à un examen externe minutieux révélant la trace d’une seringue hypodermique.» C’est le cas du cadavre d’Élisabeth Barlow découvert en 1957 à Bradford, en Angleterre. L’examen externe ne révèle pas de traces particulières sur la peau. L’examen interne n’explique pas le décès. L’analyse toxicologique ne révèle rien. Le médecin légiste se munit d’une loupe et examine à nouveau le corps. Au bout de deux heures, il découvre deux minuscules séries de traces d’aiguille hypodermique. En interrogeant les collègues du mari, un infirmier, la police découvre qu’il est amené à administrer de l’insuline. Élisabeth n’étant pas diabétique, l’injection d’une dose importante d’insuline pouvait provoquer une hypoglycémie fatale. Il n’y avait pas de précédent de meurtre à l’insuline. Pas de test reconnu.

 

Protéger la scène du crime

 

À la fin du XIXe siècle, la nécessité de traiter méthodiquement la scène d’un crime est reconnue dans la littérature scientifique. Mais, c’est sur le terrain, avec une loupe, que Sherlock Holmes étudie les indices avec une infinie passion pour les détails. «À la fin de l’été et au début de l’automne 1888, une épouvantable série de meurtres de prostituées fascine et terrorise Londres», raconte l’historienne. «Si l’enquête avait été menée selon les méthodes prônées par Vidocq, Gross, et leur héritier imaginaire, Sherlock Holmes, l’assassin aurait peut-être été identifié. Mais on a laissé les témoins se promener sur les scènes du crime, les éléments de preuve ont été manipulés sans soin et les autopsies menées dans un lieu inadapté. Comme le dit Sherlock Holmes, un troupeau de bisons n’aurait pas causé plus de dégâts.»

 

En postface du livre, Patrick Rouger, ancien directeur de la police technique et scientifique de Toulouse, présente des méthodes d’analyse et des outils actuels qui auraient permis à Sherlock Holmes de résoudre plus rapidement ses énigmes.

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