Mettre l’innovation au cœur de l’économie

3 février 2015
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min
«L’innovation, moteur de l’économie» par Philippe De Woot. Ed Académie Royale de Belgique, coffret de 6 volumes, VP 25€
«L’innovation, moteur de l’économie» par Philippe De Woot. Ed Académie Royale de Belgique, coffret de 6 volumes, VP 25€

«L’innovation est l’arme concurrentielle par excellence», clame l’économiste Philippe de Woot dans son essai publié par l’Académie royale de Belgique. «Elle donne à l’entreprise une avance décisive et un avantage comparatif majeur. Elle lui assure une sorte de monopole temporaire qui permet de fixer des prix élevés et d’engranger des profits souvent très importants. Ceux-ci financent alors la conquête des marchés, une croissance rapide, le développement d’innovations nouvelles ou le rachat d’innovateurs plus rapides».

 

C’est dans cette dynamique que résident les stratégies gagnantes des entreprises performantes. Le professeur à l’Université Catholique de Louvain (UCL) accumule les exemples dans «L’innovation, moteur de l’économie». En Belgique, Umicore est leader mondial en technologie des matériaux par ses innovations. IBA, à Louvain-la-Neuve, est numéro un en matière de protonthérapie du cancer. La société liégeoise EVS l’est pour son système de ralentis sportifs…

 

Innover pour survivre

 

L’académicien souligne que ce n’est pas seulement l’entrepreneur individuel qui crée l’innovation. «Pour survivre à long terme, l’entreprise est devenue entrepreneur collectif. Les noms de Ford, Campbell, Nestlé, Solvay, Bekaert, Lafarge, Michelin, Renault, Dassault, Tata, Honda…, ne désignent plus seulement les entrepreneurs individuels qui les ont fondées, mais des entreprises qui ont développé en elles les mêmes qualités de vision, d’audace et de persuasion que leurs illustres fondateurs».

 

L’innovation n’est pas forcément technique. En moins de 50 ans, des formes les plus variées ont défilé dans la distribution: hypermarché, centre commercial, commerce électronique… Des concepts de restauration ont conquis le public. Entre Mons et Ath, Éric Domb a transformé un jardin zoologique en parc animalier: Pairi Daiza.
 
«Sans cette vision nouvelle, celui-ci ne serait pas devenu la première destination touristique de Belgique et n’aurait sans doute pas obtenu les pandas chinois refusés à la plupart des zoos traditionnels. La transformation, par Benoît Coppée, de la Foire de Libramont en un centre de diffusion des innovations utiles au monde agricole relève de ce même type de vision. La relance d’une entreprise en faillite dépend souvent d’une initiative entrepreneuriale, comme l’a montré la création de Brussels Airlines par Étienne Davignon et Maurice Lippens».

 

Le développement d’un tissu entrepreneurial suffisant pour rester compétitif n’est possible que s’il est favorisé par l’environnement. «C’est un problème complexe, car il touche aux mentalités et à la culture même de la société. L’entrepreneuriat ne se décrète pas, mais on peut l’encourager en créant les conditions favorables à son émergence. Celles-ci sont nombreuses et elles sont interdépendantes: densité et ouverture universitaire, clusters de compétences dans des secteurs d’avenir, cohabitation d’entreprises globales, de PME innovantes et d’entrepreneurs individuels, facilités de financement, simplicité administrative et institutionnelle, attitude envers l’entreprise, le risque et le succès, tolérance à l’échec…»

 

Orienter le progrès vers les plus démunis

 

La pauvreté et les inégalités commencent à influencer les stratégies des entreprises. «Celles-ci adoptent la perspective d’Amartya Sen qui suggère d’orienter davantage la capacité créatrice vers le bas de la pyramide: tenter, en innovant, de satisfaire des besoins moins solvables ou non solvables. En allant à la rencontre des plus démunis, la créativité entrepreneuriale peut contribuer à les sortir de l’extrême pauvreté. En tentant d’en faire des entrepreneurs, elle peut aider aussi à initier une véritable dynamique de développement».

 

Au pays d’Amartya Sen, prix Nobel d’économie 1998, le leader des verres ophtalmiques Essilor s’est mis au service des pauvres. Fabricant ses produits sur place, il a adapté sa technologie au coût de production indien. Et offre des opérations gratuites de la cataracte en partenariat avec le groupe hospitalier Aravind. Au Bangladesh, la Grameen Bank s’est spécialisée dans les petits prêts aux démunis des zones rurales. Le groupe agroalimentaire Danone a créé la Fondation Danone Communities pour favoriser l’émergence de jeunes entrepreneurs dans les régions les plus pauvres.

 

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