Féminité: se méfier des stéréotypes. © Russell Watkins/CC.
Féminité: se méfier des stéréotypes. © Russell Watkins/CC.

Pour une féminité renouvelée dans une société plus juste

7 septembre 2015
par Raphaël Duboisdenghien
Durée de lecture : 4 min

En 2015, les femmes sont encore perçues comme des objets utiles aux attentes d’autrui. La docteure en sciences politiques Sophie Heine leur propose des perspectives plus enrichissantes dans «Genre ou liberté – Vers une féminité repensée» aux éditions Academia. En décortiquant des stéréotypes qui freinent leur libération. En posant des jalons pour une féminité renouvelée. Plus compatible avec le principe de liberté.

 

«Genre ou liberté – Vers une féminité repensée», par Sophie Heine, éditions Academia, VP15,68 euros, VN 11,99 euros.
«Genre ou liberté – Vers une féminité repensée», par Sophie Heine, éditions Academia, VP15,68 euros, VN 11,99 euros.
Selon la chercheuse associée à l’Université de Bruxelles (ULB) et l’University of Oxford, la réduction de la femme à un rôle d’objet se marque tout d’abord dans l’idée qu’elle serait naturellement plus empathique. Plus sensible aux sentiments et aux besoins d’autrui. Qu’elle devrait vivre la maternité comme un oubli de soi.

 

Un schéma mental désuet

 

«Le stéréotype d’une plus grande empathie naturelle chez les femmes n’est pas seulement scientifiquement discutable. Il est aussi et surtout radicalement contraire à la liberté des individus à se définir comme ils l’entendent, d’élaborer et de réaliser leurs projets de vie. L’attribution d’une plus grande empathie aux femmes permet de justifier qu’elles s’occupent davantage des enfants, de leur conjoint et des personnes âgées. On continue à attendre d’elles qu’elles fassent passer les besoins de leur famille avant les leurs. Au détriment de leurs hobbies, passions et de leur carrière.»

 

Pour la politologue, il est impératif pour les femmes de s’écarter de ce schéma mental désuet et délétère. D’apprendre à mieux reconnaître leurs propres besoins. Et à leur accorder une importance au moins égale à ceux de leurs proches. Les femmes devraient écouter leurs tendances égoïstes.

 

Le mythe de la douceur est mis à mal

 

Le postulat que les femmes sont naturellement plus douces, instinctivement conciliantes et en recherche d’harmonie, est aussi mis à mal par les recherches scientifiques. Malgré cela, on continue à penser que la gent féminine devrait se charger des enfants, des personnes âgées ou malades.

 

«Inculquer aux filles et aux femmes qu’elles doivent être plus douces et leur répéter sans cesse qu’elles le sont naturellement a vraisemblablement un impact sur leurs comportements. Or, qui dit douceur dit aussi, très souvent, passivité. Face à certaines situations, la douceur peut devenir équivalente à de la subordination. Ce stéréotype joue dès lors potentiellement un rôle similaire à celui de l’empathie féminine. Ainsi, confrontées à des injustices, les femmes s’autorisent rarement à réagir par de l’agressivité. Cette réticence empêche les femmes de sortir de leur infériorité sociale.»

 

Le combat n’est pas purement individuel

 

Sophie Heine ne prône pas une stratégie violente. Mais elle encourage les femmes à utiliser et à canaliser leur agressivité naturelle. À transformer leurs réserves de colère en moteur contre les injustices, les inégalités, les dominations. Ce combat n’est pas purement individuel. La colère et l’indignation de toutes les femmes favoriseraient leur union et leur alliance avec les autres victimes de dominations.

 

La rivalité entre femmes consolide les stéréotypes qui justifient ou renforcent leur infériorité

 

«Quand les femmes se sentent en compétition entre elles pour conquérir des avantages sociaux ou séduire des individus du sexe opposé, elles s’évaluent précisément sur base de ces stéréotypes débilitants sur le féminin. Par conséquent, celles qui sortiront censément victorieuses de la compétition féminine ne seront pas les plus outillées pour s’émanciper, mais risquent, au contraire, d’être rendues plus vulnérables dans les rapports de domination. Percevoir les autres femmes comme leurs premières rivales constitue une erreur profonde, qui a pour conséquence de fortifier les clichés qui servent si bien à légitimer leur infériorité sociale.»

 

Dépasser les divisions pour se liguer contre les injustices n’est pas facile

 

«Il serait vain de postuler que, simplement parce qu’elles subissent des injustices communes, les femmes ont automatiquement les mêmes positions et les mêmes intérêts sur toutes les questions. Mieux vaudrait envisager des coalitions, actions et mobilisations sur des convergences d’intérêt spécifiques allant au-delà des différences de classe, d’éducation, culturelles ou religieuses. Sur le plan stratégique, les femmes pourraient faire usage de la rivalité masculine pour faire avancer ces intérêts communs.»

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