Neuf légumes pour aller sur Mars, c’est trop peu

8 mars 2017
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

La recherche dans le secteur spatial est multidisciplinaire. On vient d’en avoir un bel exemple avec la remise du prix Odissea, au Sénat de Belgique.

 

Ce prix récompense, depuis 11 ans, un ou plusieurs étudiants de dernière année d’une université ou une haute école pour ses travaux en matière spatiale. Habituellement, on voit défiler des ingénieurs et des astrophysiciens. Comme Julien De Wit, un des trois chercheurs liégeois qui voici deux semaines faisait la « une » de tous les journaux de la planète. Post-doctorant au MIT, il a en effet participé à la découverte des sept exoplanètes qui tournoient autour de l’étoile Trappist-1. Julien De Wit avait été lauréat du Prix Odissea en 2012.

 

Recyclage et diététique au menu de cette année

Cette année, ce sont des travaux relevant de diverses autres disciplines qui ont retenu l’attention du jury du prix Odissea, présidé par le Vicomte Dirk Frimout, premier astronaute belge. Il y est question de biologie, de diététique et même de droit!

 

Le premier prix va cette année à une chercheuse de l’Université de Gand, Jolien De Paepe, pour son travail portant sur le recyclage de l’eau dans l’espace. Intitulée, « Water recycling in Space : from urine to hygienic water », son étude porte sur l’optimisation du recyclage des liquides à bord de la Station spatiale internationale. « L’idée étant de pouvoir recycler jusqu’à 90% de l’urine des astronautes en une eau à usage sanitaire », souligne la lauréate.

 

Un panier de végétaux et une algue pour nourrir l’équipage

Plus séduisant encore est le travail de la seconde lauréate: Sophie Compère, d’Ottignies. Cette bachelière de l’Institut Paul Lambin (Haute Ecole Léonard de Vinci), à Bruxelles, a consacré son travail de fin d’études à la diversité des légumes à faire pousser dans un vaisseau spatial à destination de la planète Mars et pendant le séjour martien pour nourrir de manière optimale l’équipage.

« Dans le cadre du projet MELiSSA, de l’Agence spatiale européenne, un des volets de recherche porte sur cette problématique », souligne le Vicomte Frimout. « Par ses travaux, Sophie Compère montre que le choix actuel d’une dizaine de végétaux n’est pas l’idéal ».

 

Les ingrédients de base? De la pomme de terre, le soja, le riz, le blé, les tomates, l’oignon, le chou frisé, l’épinard et l’algue, qui n’est autre que la spiruline.
Au départ de ces matières premières, la diététicienne a en réalité composé des menus variés pour une semaine, à destination d’un futur équipage martien. Des recettes ont ainsi été créées à base de ces végétaux dans les cuisines expérimentales de l’Institut Paul Lambin.

 

« Le but de mon travail était de déterminer s’il était possible de créer des menus diététiquement acceptables pour un équipage, composé, en théorie, d’hommes âgés de 30 à 60 ans et d’une masse de 70 kilos », précise-t-elle.

 

Carences en vitamines 

 

« Avec ces végétaux, on peut combler les apports énergétiques les besoins en protéines, en glucides et en fibres de l’équipage sur une période d’une semaine », indique Sophie Compère.

 

« Par contre, on observe des déficits en ce qui concerne certaines vitamines. C’est le cas des vitamines D, B12 et C. La vitamine C ne se récupérerait pas car elle se dégrade vite tandis que les vitamines D et B12 ne sont pas apportées pas les ingrédients du projet ».

 

Les solutions? « Augmenter la variété de végétaux à cultiver sur Mars. Par exemple en ajoutant à ce panier de légumes quelques fruits rouges, comme des fraises par exemple, riches en vitamine C et en polyphénols (des antioxydants). Compléter le panier par des poivrons, également riches en vitamine C, serait aussi une bonne idée ».

 

Une monotonie qui risque d’avoir un impact psychologique

 

Si les apports diététiques sont alors satisfaits, le problème reste cependant le manque de variété dans les menus réalisables avec ce nombre limité de végétaux. Et cela risque d’avoir un impact psychologique sur l’équipage. « Il faut donc varier les menus et les composer en fonction des goûts des astronautes », indique encore la lauréate.

Le goût en lui-même pose aussi problème. « Il faut savoir qu’en microgravité, on perd la voie rétronasale du goût », continue Sophie Compère. « Sur Terre, 80% du goût provient en réalité de notre nez, quand nous mastiquons. Cela passe par l’arrière de notre palais. Dans l’espace, on perd ce retour par le nez, il faut donc assaisonner davantage les plats pour qu’ils gardent toutes leurs saveurs et qu’ils plaisent aux astronautes pendant de longs mois ».

Multiplier les ingrédients serait une solution aux yeux de la diététicienne. Mais il faudrait aussi envisager d’emporter d’autres ingrédients, complémentaires, comme un panel d’épices par exemple », suggère-t-elle.

Ce n’est pas demain que le premier équipage humain mettra le cap sur Mars. On sait par contre, dès aujourd’hui et grâce aux travaux de Sophie Compère, que ce qu’il devra faire pousser sur la planète rouge ne se limitera pas aux seules pommes de terre qui tiennent la vedette (végétale) du film américain « Seul sur Mars ».

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