Fruit de l’ASBL Z !, le Plan Sacha est né en 2018, avec très peu de moyens, dans le cadre de la campagne d’éducation permanente menée par le festival Esperanzah. Depuis, ce plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles spécialement conçu pour les milieux festifs a acquis ses lettres de noblesse. A un tel point que cette innovation sociétale vient de se voir octroyer un subside structurel par la Fédération Wallonie-Bruxelles pour les trois prochaines années. De quoi permettre la mise sur pied d’un Plan Sacha dans davantage de structures festives.
3 axes sont couverts
« Pour éviter que chaque festival bricole une solution de son côté, la campagne Plan Sacha permet d’uniformiser la qualité de la sensibilisation et de la prise en charge. Il s’agit véritablement d’un gage de sécurité pour les festivalières et festivaliers », explique Ana Seré, chargée de projet au Plan Sacha.
« En effet, pour installer un Plan Sacha, l’équipe organisatrice doit suivre une formation d’une journée durant laquelle on réfléchit ensemble au meilleur protocole de lutte contre le sexisme structurel, et ce, au cas par cas. On définit comment faire pour que toutes et tous soient briefés, du service au bar à la sécurité, en passant par les équipes techniques. On forme également des bénévoles qui tiendront un stand d’information et de prévention sur le site festif. Enfin, on met en place une prise en charge psychosociale accessible 24h/24 via un numéro de téléphone unique et toujours identique. »
Affrontement, fuite, sidération, résignation
Une femme danse seule. Une amie est à une dizaine de mètres, et la sécurité est hors de vue. Soudain, un homme lui met la main aux fesses, la femme, non consentante, le gifle et va chercher du soutien auprès de son amie. Parmi les nombreux témoins, personne n’a réagi.
Voici une situation de harcèlement sexuel analysée lors de l’atelier « Autodéfense verbale » organisé par le plan Sacha lors de la dernière édition du festival musical Esperanzah. Une petite dizaine de ces formations sont organisées annuellement sur différents lieux festifs.
« Face au danger, la victime a 4 réactions neurologiques possibles, on parle des 4F. La première, c’est l’affrontement (fight), par exemple gifler ou pousser l’agresseur. La fuite est également possible (flight), générée par la même poussée d’adrénaline. Ces deux réactions sont les plus valorisées dans la société patriarcale, mais il existe deux autres types de réactions, méconnues et totalement légitimes : la résignation (fawn) et la sidération (freeze) », explique Leyla Cabaux, chargée des projets formation et de la communication.
« La sidération, ou syndrome de l’opossum, c’est un état de paralysie physique et psychologique, une sorte de court-circuit qui fait que l’on n’arrive plus à bouger. Les personnes expérimentant cette situation rapportent souvent qu’elles la vivent comme si elles étaient hors de leur corps et l’observaient de loin. »
« Il y a aussi la résignation : c’est le fait de céder, de crainte que davantage de violence s’abatte sur soi si l’on proteste. Cette stratégie est répandue chez les personnes ayant subi des violences par le passé, notamment durant l’enfance, par un parent ou une figure d’autorité. » Cela arrive le plus souvent lors d’agressions venant de la famille, dans le couple.
Réagir en témoin
Si l’on est témoin d’une situation de harcèlement ou d’agression sexiste ou sexuelle, comment réagir ? « Le but, c’est de casser la dynamique entre agresseur et victime. Rien que demander à la victime si tout va bien, simplement qu’elle voit qu’on est présent, ça peut déjà aider énormément », précise Leyla Cabaux.
« Vous pouvez aussi faire semblant de reconnaître la victime, et lui proposer de partir avec vous afin qu’elle puisse fuir la situation d’agression. Par exemple, « ça fait tellement longtemps que je ne t’ai pas vue, on était en secondaire ensemble ! Accompagne-moi au prochain concert » », explique Cyprien Hoffmann, chargé des formateurs et formatrices ainsi que de la coordination des bénévoles tenant les stands Sacha sur les lieux festifs.
« On peut aussi aller vers la victime et lui demander où sont les toilettes, où trouver de l’eau ? Ca permet d’éloigner agresseur et victime et de créer une barrière entre eux. Aussi, faire semblant d’avoir fait tomber son téléphone au milieu de la foule permet de briser la dynamique de harcèlement et permet à la victime de fuir : « excusez-moi, j’ai laissé tomber mon téléphone, vous pouvez m’aider à le chercher ? » Si on est un groupe d’amis, on peut se mettre à danser, à prendre de la place et ainsi à séparer victime et agresseur », poursuit Cyprien.
Un bracelet signalétique
Pour conclure, quelques mots sur l’effet témoin : plus il y a de témoins face à une scène de danger, moins les personnes vont réagir. En tant que victime, pour casser cette absence d’intervention, le mieux est d’interpeller une personne témoin en particulier, en mentionnant ses signes distinctifs (par exemple, la couleur de ses vêtements) et lui demander d’intervenir.
Sur les stands Sacha, des bracelets portant le numéro d’appel unique pour bénéficier d’une prise en charge psychosociale sont disponibles. En mettre un à son poignet, c’est aussi signaler à toute victime potentielle que l’on est disponible pour lui venir en aide.