SARS-CoV-2: un virus de plus en plus collant

1 décembre 2021
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

Pour infecter nos cellules, le virus à l’origine de la pandémie de covid-19 use de diverses stratégies. Parmi celles-ci, au fil de ses mutations, les chercheurs observent une évolution dans la nature et l’intensité de ses liaisons pour s’accrocher aux cellules à infecter. Ces stratégies semblent de plus en plus efficaces. Omicron, le dernier variant identifié tout récemment en Afrique australe pourrait peut-être en avoir tiré profit.

« Les liens mis en place par le virus peuvent être de plusieurs types », explique le Dr David Alsteens, à l’UCLouvain, qui a étudié la structure des protéines de liaison du virus et leur cinétique. « Soit il s’agit de liens dont les forces de liaison en jeu sont de plus en plus élevées, soit le virus peut multiplier le nombre de liens (moins puissants), qu’il tisse avec les récepteurs moléculaires de la cellule visée, un peu comme le ferait une attache Velcro comparée à une unique attache de type pression», explique le chercheur qualifié du FNRS.

« Ceci le rend plus stable, moins sujet aux flux qu’il peut, par exemple, rencontrer dans les poumons, et qui le détacheraient de la cellule ciblée. Dans tous les cas, le but, pour le virus, est de pouvoir rester attaché suffisamment longtemps à la cellule afin de pouvoir l’infecter. »

Dr David Alsteens, chercheur à l’UCLouvain © Christian Du Brulle

Alpha, bêta, gamma et kappa, des variants sous surveillance

Grâce à leur expertise développée dans le cadre de travaux en microscopie à force atomique, le Dr Alsteens et son équipe de 23 personnes attachées au LIBST (Louvain Institute of Biomolecular Science and Technology) ont pu mesurer le comportement de différents variants de la covid-19. Ils ont aussi pu mesurer les forces de liaison que ces variants déploient pour s’attacher aux cellules de notre organisme.

« Nous avons ainsi remarqué des différences sensibles entre les variants alpha, bêta, gamma et kappa », reprend le chercheur. « Par rapport au virus d’origine, nous constatons que le variant alpha présente une seule mutation concernant la liaison du virus à la cellule. Le variant bêta en présente plusieurs. Si le variant alpha peut être comparé à une attache de type bouton pression, le bêta se compare plutôt à une attache de type Velcro. Nous pensons que le nouveau variant omicron, que nous n’avons pas encore étudié, devrait se rapprocher davantage de la structure du variant bêta que de l’alpha. »

Renforcement de l’intensité des liaisons 

Autre constat fait par les chercheurs du LIBST : l’intensité des liaisons du virus avec les cellules évolue avec les variants. Ces forces, dérivées des observations réalisées grâce à la microscopie à force atomique, s’expriment en nanomolaire (nM). Plus bas est le chiffre, plus forte est la liaison entre le virus et la cellule.  Pour le variant alpha, les chercheurs obtiennent un chiffre de l’ordre de 129 nM. Pour le bêta, cette valeur est de 80, mais pour la variant gamma, ils arrivent à 20 nM.

« Parmi les variants que nous avons étudiés, le gamma est celui qui affichait le plus d’affinités avec la cellule », précise le chercheur. « Le kappa (71 nM) n’a pas affiché un renforcement supplémentaire de cette force de liaison. Par contre, il présente plusieurs points d’ancrage. Ses attaches étant mieux réparties, elles sont plus stables.  Les liaisons du variant kappa présentent des interactions plus faibles, mais elles sont aussi plus répandues et mieux réparties. L’énergie d’interface est plus stable, plus homogène. Détacher le virus de la cellule est rendu plus ardu. »

Leur recherche ayant été bouclée avant l’été, l’équipe n’a pas travaillé sur le variant delta. Néanmoins, «nous savons que le variant delta ressemble très fort au variant kappa. Nous craignons que le nouveau variant omicron suive également cette voie, mais qu’il renforce également cet effet Velcro en intensifiant l’énergie de liaison à chaque point de contact. Ce qui le rendrait encore plus difficile à arracher de la cellule qu’il cible et lui donnerait plus de temps pour entrer dans la cellule et l’infecter », conclut le Dr Alsteens.

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