Marier culture et sciences est une spécialité du Musée L, à Louvain-la-Neuve. Fossiles&Fictions, la nouvelle exposition temporaire en apporte un bel exemple, avec comme fil conducteur : les fossiles.
« Les fossiles sont les témoins d’un passé parfois fort lointain. Ces traces de vie figées dans la pierre nous éclairent sur les êtres vivants qui ont peuplé la Terre bien avant Homo sapiens », rappellent les co-commissaires de l’exposition : le professeur de biologie de l’UCLouvain Jean-François Rees et l’artiste Isabelle Dumont.
Des êtres chimériques et des véritables témoignages du passé
Particulièrement didactique dans sa première partie (que sont les fossiles, que nous disent-ils, d’où viennent-ils, etc.), l’expo devient plus artistique et prospective dans la seconde salle, où les étudiants en arts visuels d’ARTS2 (Arts au carré) de Mons proposent de découvrir quelques surprenantes chimères.
« Dans un musée d’histoire naturelle, les squelettes seraient présentés dans leur configuration initiale, avec toute la rigueur scientifique qui s’impose. En se débarrassant de cette contrainte, il est possible de créer de nouvelles associations entre les éléments squelettiques d’un individu, voire entre ceux d’individus de plusieurs espèces », mettent en garde les concepteurs de l’exposition.
« C’est ce qu’ont réalisé des étudiants d’ARTS2 en créant des êtres chimériques à partir d’os, actuels et fossiles, photographiés dans nos collections universitaires ». Il ne reste plus aux scientifiques qu’à imaginer l’improbable mode de vie de ces bestioles…
Quelles indigestes traces, laissons-nous aux paléontologues de demain?
Cette seconde partie du voyage dans le temps est aussi interpellante. Quelles traces notre société actuelle, va-t-elle laisser aux paléontologues du futur? « Fossiles&Fictions, après nous les méduses? » joue d’une certaine prospective catastrophiste.
Certaines de nos traces sont déjà visibles aujourd’hui. Tels les plastiglomérats. Ces roches nouvelles observées pour la première fois à Hawaii en 2006 forment un matériau semi-naturel composé d’une agrégation de fragments de roche et de matières plastiques. Des matériaux naturels (coquilles, cailloux, coraux… ) ont été cimentés par du plastique fondu. D’autres débris de plastique ont été liés entre eux par un ciment naturel (sable, sédiments durcis). « Le plastiglomérat est désormais considéré comme une roche sédimentaire d’un type inédit », explique-t-on au Musée L.
Pas très sympathique, on en conviendra. Pas plus que les autres traces que nous sommes en train de léguer aux futures générations de paléontologues. « Comment, dans quelques centaines de milliers d’années, percevront-ils le remplacement en cours de la faune sauvage par les animaux d’élevage, vaches, cochons, moutons et poulets? », interrogent les commissaires. « Les plantes agricoles, seront-elles dominantes dans les paléopaysages qu’ils reconstitueront sur base des pollens et débris végétaux qui seront identifiés dans nos sédiments? Que déduiront ces scientifiques du futur de cette civilisation qui aura été la nôtre ? »
Le champ de fouille fictif de l’Anthropocène proposé au Musée L est bardé d’éléments qui pourraient effectivement être des marqueurs de notre époque. Et ce n’est guère réjouissant : déchets électroniques, fûts radioactifs, bouteilles en verre… Ces spéculations et fabulations interrogent nos vérités, interpellent nos consciences sur le devenir des espèces sur cette planète. Une planète que nous malmenons à un rythme effréné.
La science recale la fiction
L’introspection n’est pas uniquement liée à nos déchets physiques, condensés dans une surprenante carotte géologique du futur. Il est aussi question d’algorithmes et des enjeux philosophiques, politiques, et juridiques de la numérisation. Une chercheuse, docteure en droit de l’UNamur, apporte ses réflexions à ce sujet.
Fossiles&Fictions propose aussi quelques éclairages scientifiques sur des erreurs d’interprétation historiques. Tels ces crânes de cyclopes! Dans l’exposition, c’est un crâne d’éléphant qui illustre la chose. « Selon certaines interprétations, le mythe des cyclopes proviendrait de la présence de crânes préhistoriques d’éléphants nains retrouvés par les Grecs en Sicile et en Crète », indiquent les commissaires de l’exposition dans le livret-guide librement disponible à l’entrée et qu’ils ont rédigé. « N’ayant quasiment jamais vu d’éléphants, et encore moins leurs crânes, ils auraient pris la large cavité nasale de la trompe pour une orbite oculaire de grande taille, située au milieu du front du géant”…