Portrait de Jupiter par le télescope Hubble © NASA, ESA, A. Simon (Goddard Space Flight Center) et MH Wong (Université de Californie, Berkeley)

Objectif Jupiter à Uccle

2 juin 2021
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

À l’Institut royal d’Aéronomie spatiale de Belgique (IASB), on prépare activement la prochaine mission européenne JUICE, à destination de la planète Jupiter. Notamment en testant intensivement les détecteurs de MAJIS, un des dix instruments qui mettront le cap sur cette planète géante. Ces derniers jours, c’est le détecteur de réserve qui avait été confié aux spécialistes belges.

« D’ici la fin de l’année 2022, la mission Juice  (JUpiter ICy moons Explorer) de l’ESA, l’Agence spatiale européenne, devrait en effet décoller pour Jupiter, la plus grosse planète du système solaire », explique le Dr David Bolsée, responsable à l’IASB du nouveau système de test de l’instrument MAJIS (Moons And Jupiter Imaging Spectrometer).

« Dès 2015, la Belgique et la France ont signé un accord de collaboration le concernant. Il prévoyait que des détecteurs de l’instrument français seraient testés chez nous. Nous disposons d’une bonne expertise dans ce domaine. Pensons par exemple à la mission Solar/Solspec».

Une collaboration avec l’IAS, le CNES et l’ESA

Si depuis des années, la Belgique s’est spécialisée dans la caractérisation de ce type d’instruments spatiaux, dans le cadre de MAJIS, tout le système à utiliser devait être conçu, en respectant les cahiers de charge très exigeants édictés par l’Institut (français) d’Aéronomie Spatiale, le CNES (l’Agence spatiale française) et l’ESA.

« Pour MAJIS, nous avons donc développé à l’IASB un tout nouveau dispositif: un banc d’étalonnage, capable de tester et de calibrer ce type de détecteur, non seulement dans le vide, mais également dans des conditions de températures extrêmement froides telles qu’elles existent à proximité de Jupiter », reprend le physicien.

Un travail qui mobilise quatre personnes à Uccle, siège de l’IASB. Autour du Dr Bolsée, on retrouve Lionel Van Laeken, un ingénieur formé à l’Université de Liège spécialisé en aérospatiale, Nuno Pereira, spécialisé à l’IASB en radiométrie, ainsi qu’une aspirante du FNRS, Miriam Cisneros, spécialisée dans l’étalonnage d’instruments dans un environnement sous vide thermique.

Dr Bolsée et Lionel Van Laeken de l’IASB © Christian Du Brulle

 

Trois versions du détecteur testées en Belgique

Tout instrument destiné à une mission spatiale doit être étalonné et testé intensivement sur Terre avant d’être envoyé dans l’espace afin de s’assurer qu’une fois à pied d’œuvre, il pourra remplir parfaitement sa mission. C’est donc à ce niveau que se situe l’intervention de l’IASB et de l’équipe du Dr Bolsée.

Le nouveau banc d’étalonnage mis au point en Belgique a déjà vu passer plusieurs versions des détecteurs de l’instrument MAJIS. Il y a d’abord eu le modèle d’ingénierie: sorte de modèle « zéro » qui sert à mettre au point l’instrument de vol, celui qui sera effectivement intégré à la mission JUICE. Le véritable détecteur de vol est, lui aussi, passé par Uccle. C’était l’été dernier. Ces derniers jours, c’est sa doublure qui a été intensivement testée sur le nouveau banc d’essai de l’IASB.

« Cette doublure est destinée à remplacer l’instrument initial en cas de problème avant le lancement », précise le docteur Bolsée. Si cette doublure reste finalement sur Terre, elle pourra servir d’instrument de laboratoire tout au long de la mission. Voire… servir à une autre mission spatiale.

Des tests menés par -140°C

Dans le sous-sol de l’IASB, c’est dans une « salle blanche » spécialement aménagée pour accueillir le nouveau banc d’essai que les derniers tests sont réalisés. Pour pénétrer dans cette salle, les scientifiques, comme les visiteurs, doivent se munir d’une combinaison couvrant tout le corps, de la tête aux pieds. L’idée étant de limiter autant que possible la quantité de poussières susceptible d’entrer en contact avec l’instrument. La moindre contamination pouvant avoir un impact sur le bon fonctionnement de son détecteur.

« Notre salle propre est certifiée ISO-5 », assure le responsable des lieux. « Cela signifie qu’on ne trouve ici qu’au maximum 1000 particules d’une taille supérieure à 1 µm par mètre cube. »

Ici, un cryostat fonctionnant à l’hélium permet de faire plonger le détecteur placé sous vide à une température de – 140°C. Une température de travail qu’il rencontrera lors de sa mission autour de Jupiter. En faisant fluctuer la température de quelques degrés, les scientifiques de l’IASB analysent le comportement du fameux détecteur et ses réponses à ces changements d’environnement. De même, la variation des flux de photons envoyés en même temps sur le détecteur permet de le caractériser au mieux. Une fois à destination, c’est dans le domaine du rayonnement visible et de l’infrarouge que MAJIS réalisera ses observations.

Les diverses campagnes menées sur le nouveau banc d’essai ont été concluantes. Une grande source de satisfaction pour l’équipe dont les équipements et les procédures étaient soumis aux exigences de qualité élevées du CNES et de l’ESA.

Dans quelques jours, le modèle de réserve de MAJIS quittera la Belgique. Et l’an prochain, c’est la mission JUICE qui devrait prendre son envol depuis Kourou, en Guyane française, à bord d’une fusée Ariane-5. Un décollage qui sera suivi d’un long voyage. L’arrivée en orbite jovienne n’est attendue qu’en 2031. D’ici là, le Dr Bolsée et son équipe espèrent bien que leur nouveau banc d’essai de toute première qualité aura permis d’étalonner de nombreux autres instruments spatiaux.

 

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