Les pucerons déjouent l’association entre poireau et poivron

2 novembre 2022
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 3 minutes

Les poireaux préfèrent les fraises. Quant aux oignons, ils sont de fidèles alliés des carottes. Ces associations bienfaitrices sont bien connues des maraîchers et jardiniers amateurs cultivant sans aucun pesticide de synthèse. Mais la culture de nombreux légumes en zéro phyto demeure compliquée en raison de l’absence de la découverte d’un partenaire avec qui bien s’entendre et se donner des coups de main réciproques pour lutter contre les ravageurs. “ZERO-PH(F)YTO F&L (G)“, un projet Interreg lancé en avril 2019, s’est emparé de la question. Des chercheurs du CRA-W (Centre wallon de recherches agronomiques) se sont associés à des partenaires flamands et français pour investiguer à l’aide d’outils scientifiques des méthodes alternatives de cultures dénuées de tout usage de produits phytosanitaires. Principalement celles qui donnent du fil à retordre en agriculture biologique, comme la culture du poivron, testée ici en association avec le poireau dans l’espoir de le protéger des attaques du puceron vert.

Le puceron mange moins, mais boit plus

Selon la littérature et les expériences antérieures des partenaires du projet, les plantes de la famille des Alliacées auraient un effet répulsif contre les pucerons.

A l’Université de Picardie Jules Verne, des chercheurs ont utilisé l’électropénétrographie afin d’évaluer le comportement alimentaire des pucerons ravageurs vis-à-vis de plants de poivron. L’insecte et sa plante hôte sont intégrés dans un circuit électrique: lorsque l’insecte insère ses pièces buccales dans la plante, un signal électrique est émis.

Schéma de l’électropénétrographie © ZERO-PH(F)YTO F&L (G)

« Nous avons mis en évidence que les odeurs de poireau empêchent le puceron de s’alimenter sur sa plante hôte, le poivron. Nous constatons, en effet, une diminution du prélèvement de la sève élaborée du phloème (solution riche en glucides tels que le saccharose, le sorbitol et le mannitol, NDLR) », explique Pr Arnaud Ameline, chercheur au sein de l’Unité Écologie et Dynamique des Systèmes Anthropisés de l’Université de Picardie Jules Verne.

« Toutefois, à l’inverse, le puceron s’hydrate davantage. Cela est mis en exergue par une augmentation du prélèvement de la sève brute conduit par le xylème (la sève montante, ou sève brute, part des racines jusque dans les feuilles, et contient essentiellement de l’eau et des minéraux dissous, puisés par les racines dans le sol, NDLR ). »

Stratégie pas prometteuse

En parallèle, des essais en champ ont été menés. Des poivrons ont été mis en culture sous des tunnels sans et avec poireaux intercalés entre les plants, étêtés deux fois pendant la culture afin de stimuler la libération de composés organiques volatils (constituant notamment l’odeur d’ail caractéristique des Alliacées). L’impact de ces deux systèmes de culture (monoculture traditionnelle et association de plantes compagnes) a été évalué en dénombrant les pucerons et insectes auxiliaires ainsi qu’en calculant les rendements.

Résultats ? « La culture en association avec les poireaux n’a pas semblé impacter la dynamique des pucerons sur poivrons. Aucun effet positif des composés organiques volatils du poireau n’a été observé. Par conséquent, nous n’avons pas non plus observé d’effet de distance sur le développement des pucerons sur les poivrons plus proches ou plus éloignés du poireau.  », explique Ellen Dendauw, chercheuse au sein du Provinciaal Proefcentrum voor de Groenteteelt Oost-Vlaanderen vzw.

« Par ailleurs, comparé à la monoculture, le système en association a conduit à un rendement commercialisable plus élevé, mais aussi à un rendement non commercialisable plus élevé avec l’apparition de pourritures. »

« Sur la base de cet essai en plein champ, la culture intercalaire de poivron avec du poireau pour lutter contre les pucerons n’apparaît pas comme une stratégie prometteuse pour réduire l’utilisation de pesticides », conclut-elle.

La recherche dans le domaine de la lutte contre les ravageurs sans armes chimiques de synthèse est en plein l’essor. C’est que le défi de taille pour obtenir une agriculture saine, dotée de rendements permettant aux agriculteurs de vivre de leur métier.

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