Des bénévoles de la Green Team trient les déchets des festivaliers © Robin Hublart

Le festival Esperanzha, un laboratoire du tri des déchets

3 août 2022
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 6 minutes

Les innovations ne sont pas que technologiques. Au festival Esperanzha, qui vient de se tenir à Floreffe, on expérimente des idées novatrices pour réduire la quantité de déchets non recyclés, aussi appelés déchets tout-venant. « Il s’agit des déchets qui polluent le plus, car ils sont incinérés », explique Arnaud de Brye, régisseur principal d’Esperanzha. « En 2019, la dernière grosse édition du festival avant le Covid, nos efforts ont permis de descendre à 137 grammes de déchets tout-venant par festivalier. A titre de comparaison, la moyenne des festivals belges tourne autour de 1000 grammes de déchets tout-venant par festivalier ! » Et cette année, de nouveaux projets ont été mis en place sur le site de l’Abbaye de Floreffe pour continuer à faire fondre cette fraction.

Des bénévoles comme force vive

Pour en savoir plus, direction les coulisses du festival. Pas celles qui reçoivent les artistes, mais bien celles où tous les déchets du site sont triés.

Derrière les hautes grilles, à l’ombre d’une des scènes principales, des jeunes filles et des jeunes hommes habillés d’un T-shirt vert s’affairent dans la bonne humeur au son d’une musique endiablée. Il s’agit de la Green Team, composée de dizaines de bénévoles gérés par différentes associations wallonnes.

Parmi ceux-ci, 48 viennent de la Maison des Jeunes de Waterloo. « Chacun d’entre nous prête main-forte à la gestion et au tri des déchets à raison de 6 heures par jour durant les 4 jours du festival, selon un système de pause. C’est sympa, il y a une super ambiance. Et puis c’est formatif : quand on rentre chez nous, on trie encore mieux nos poubelles», explique Maxime Depaye, l’un des responsables de l’Ecoteam de Waterloo.

Les déchets retriés par les bénévoles de la Green Team sont déposés dans les conteneurs adéquats © Robin Hublart

Triés et retriés

Des dizaines d’îlots de tri ont été disposés un peu partout sur le site du festival. Une signalétique claire et colorée les chapeaute et indique aux festivaliers dans quelle poubelle déposer son déchet. Il a le choix entre 4 sachets, chacun dédié à une fraction : organique, PMC, cartons, tout-venant.

De façon continue, et jusqu’à la fin du festival, des petites grappes de bénévoles habillés de vert et armés d’une pince à déchets collectent mégots, mouchoirs et autres déchets retrouvés sur le sol de l’abbaye, et les placent dans la poubelle ad hoc. Plusieurs fois par jour, d’autres prélèvent les poubelles pleines des îlots de tri. Après les avoir remplacées par un sachet vide et réutilisé, ils les apportent au centre de tri. Là, d’autres bénévoles prennent le relais. Ils ouvrent délicatement les sachets, en vident le contenu sur une table dédiée et trient les déchets un à un.

« Globalement, les festivaliers sont respectueux et ne jettent pas délibérément leurs déchets à terre comme cela se voit dans les festivals commerciaux. De plus, le premier tri qu’ils réalisent est plutôt correct. Cela n’empêche, nous retrions plus finement encore chaque poubelle », précise Eva Cunningham, responsable du centre de tri. Et ce, selon les 4 fractions : organique, PMC, cartons, tout-venant, chacune représentée par un gros conteneur jaune déposé là par BEP environnement, le service de gestion des déchets à Floreffe.

« L’équipe de tri met aussi à part les déchets spéciaux : piles, ampoules, composés dangereux ou toxiques. »

L’un des multiples îlots de tri qui jalonnent le site du festival © Robin Hublart

 

Au centre de tri, les sachets poubelles ayant déjà servis dans des îlots de tri sont mis à sécher avant d’être à nouveau réutilisés dans d’autres îlots © Robin Hublart

 

Eva Cunningham, responsable du centre de tri, devant le monte-charge qui amène les déchets organiques dans le conteneur dédié. Elle explique que les assiettes compostables non ou peu souillées doivent être mises à part pour être broyées en lamelles © Robin Hublart

Des assiettes aux toilettes

Cette année, l’équipe expérimente un tout nouveau concept de circuit court baptisé « De l’assiette aux toilettes, il n’y a qu’un geste ».

«  Nous récupérons la vaisselle compostable utilisée par les festivaliers et l’enfournons dans un broyeur industriel. A la sortie, on obtient des fines lamelles de carton. Celles-ci vont ensuite alimenter les toilettes sèches qui jalonnent le festival, à la place des traditionnels copeaux de bois », poursuit Eva Cunningham.

« A cette fin, il est crucial de n’utiliser que des assiettes peu souillées. En effet, le gras repousse l’eau. Or, le but des copeaux dans les toilettes sèches est justement d’absorber les liquides (et les odeurs). »

« Les autres cartons du festival (livraison, matériel) nous servent aussi de matière première, à condition qu’ils ne contiennent pas trop d’encre ou que celle-ci soit bio. »

Un petit broyeur de vaisselle compostable est installé au Comptoir des saveurs, pour interpeller les festivaliers sur cette action de circuit-court. Le centre de tri dispose d’un autre broyeur, industriel celui-là © Robin Hublart

 

Lamelles de vaisselle compostable qui iront bientôt alimenter les toilettes sèches du festival © Robin Hublart

 

Panneaux signalétiques à base de mégots

Autre projet pionnier: la collecte et le recyclage des mégots de cigarettes.

Outre les tubes plexiglas de BeWapp destinés à collecter les mégots, d’autres bidons à mégots appartenant à la start-up belge Wecircular ont été disposés sur le site. «  Cette dernière les récupère à la fin du festival, avant de les emmener à Cologne où ils seront fondus pour être transformés en panneaux de signalisation fins. Du genre de ceux que l’on voit en bord de mer portant le message « Ne laissez pas vos déchets sur la plage ». »

Les mégots sont collectés sur tout le site, avant de partir dans une filière de recyclage © Robin Hublart

Du nouveau avec du vieux

Au sein du centre de tri, aux quatre gros conteneurs dédiés aux 4 fractions principales s’ajoutent deux autres, un dédié aux encombrants et l’autre au bois.

« Le bois vient du montage du festival. Une grosse partie de ce matériau sera conservée pour réaliser les décorations des prochaines éditions du festival. D’ailleurs, cette année, la décoration du bar Futuro mauve, jaune avec des taches noires, est une partie d’une ancienne petite scène dont on a prélevé les panneaux avant de les découper pour en faire quelque chose de nouveau. La réutilisation, c’est ce qui est beau avec les poubelles », conclut Eva Cunningham.

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