L’IRM investigue un lien possible entre champ géomagnétique et météo

3 décembre 2021
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

Pister les neutrons générés par les rayons cosmiques qui pénètrent dans l’atmosphère terrestre, surveiller l’ionosphère, mesurer le champ magnétique terrestre, mais aussi utiliser ce magnétisme pour dater des pièces archéologiques : voilà quelques-unes des activités scientifiques menées au Centre de Physique du Globe (CPG), de l’Institut Royal météorologique. Celui-ci vient d’inaugurer un tout nouveau moniteur à neutrons, destiné à poursuivre la récolte de données initiée voici plus d’un demi-siècle. De quoi apporter de précieuses informations sur le climat de notre planète.

Se tenir loin des perturbations électromagnétiques

Contrairement aux principaux services de l’IRM installés à Bruxelles, le Centre de Physique du Globe est situé à Dourbes, en province de Namur.

« Il occupe un domaine de 55 hectares qui présente l’avantage d’être loin de toute perturbation électromagnétique urbaine comme les lignes de tramways, de trains et d’autres activités humaines. Cette situation préservée permet de mesurer les infimes modulations du champ magnétique », explique Daniel Gellens, le directeur général a.i. de l’IRM.

Pavillons de mesure du magnétisme sis à Dourbes © Christian Du Brulle

Le magnétisme terrestre sous surveillance

« Le magnétisme qui nous intéresse et celui généré à 4000 km sous nos pieds, par le noyau liquide de la Terre », explique Simo Spassov, le chef de service scientifique et directeur du CPG. « Nous en étudions, notamment, les variations dans le temps. »

« Le champ magnétique externe de la Terre, celui qui se situe à plusieurs centaines de kilomètres au-dessus de nos têtes et qui est formé dans l’ionosphère lors de la rencontre du champ magnétique terrestre avec le vent solaire, nous intéresse également ».

Six grandes installations sont présentes sur le site de Dourbes: un observatoire magnétique, des outils de sondage ionosphérique, des instruments de mesure du magnétisme environnemental, un laboratoire souterrain développé en collaboration avec l’Observatoire Royal de Belgique et enfin, le tout nouveau moniteur à neutrons.

Le nouveau moniteur à neutrons de l’IRM © Christian Du Brulle

Un rayonnement cosmique influencé par le cycle solaire

Ce moniteur à neutrons permet de mesurer en continu l’intensité des rayons cosmiques frappant la Terre. Quand ils touchent les masses de plomb du détecteur, ces rayons génèrent des neutrons qui sont mesurés par l’instrument.

Les mesures de ce type, réalisées depuis plus de 50 ans, montrent qu’il existe une relation inverse entre l’activité du Soleil lors de son cycle de 11 ans et les rayons cosmiques détectés dans les moniteurs à neutrons répartis au sol, tout autour de la planète.

« On remarque que plus le Soleil est actif, moins on détecte de neutrons », explique Danislav Sapundjiev, de la section ionosphère et météorologie spatiale.

Un lien entre le champ géomagnétique et la météo?

Par ailleurs, des liens pourraient être faits entre la surveillance de ces rayonnements cosmiques et le climat terrestre.  « C’est un sujet d’étude passionnant », reprend Simo Spassov, le responsable du Centre de Physique du Globe.  « Il existe diverses hypothèses concernant l’influence du champ géomagnétique de notre planète sur la météo. Des hypothèses qui doivent encore être prouvées.»

L’une d’elles concerne les flux de rayonnements cosmiques et le temps qu’il fait. « On sait que la variation de l’intensité du champ géomagnétique influence le rayonnement cosmique entrant. Ce dernier pourrait influencer à son tour la formation des nuages », indique le scientifique.

Comment? « Le champ géomagnétique agit comme un bouclier contre le rayonnement cosmique. Un champ géomagnétique plus fort entraîne donc une diminution du rayonnement cosmique, notamment aux basses latitudes. »

Formation de noyaux de condensation

« Selon cette hypothèse, les rayons cosmiques galactiques pourraient être responsables d’ionisations dans l’atmosphère, lesquelles pourraient jouer un rôle dans la formation de noyaux de condensation des nuages. C’est-à-dire de petites particules solides de l’ordre du micromètre. Selon cette hypothèse, un champ géomagnétique plus fort bloque davantage le rayonnement cosmique et les ionisations sont moins nombreuses. »

« Toutefois, l’ionisation atmosphérique par les rayons cosmiques n’est pas le seul processus qui produit des noyaux de condensation des nuages. Cette hypothèse reste insaisissable et fait l’objet de vifs débats dans la communauté scientifique », insiste Simo Spassov.

Exemple de données récoltées par le moniteur à neutrons de l’IRM DRSB2

Le nouveau moniteur à neutrons, un investissement de quelque 200.000 euros, dont la moitié fut consacrée à l’achat du plomb, est désormais opérationnel. À partir de décembre 2021, les données qu’il récolte sont transmises en direct au réseau international NMB (Neutron monitor database).

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