Quand Napoléon meurt, le 5 mai 1821, il n’a pas 52 ans. Il vient de passer 6 ans en exil à Sainte-Hélène, un caillou battu par les vents atlantiques. A Waterloo, la dernière bataille à laquelle il participe, le 18 juin 1815, il a 45 ans. Il est devenu Empereur à 35 ans. Le règne de l’Empereur Napoléon, c’est 10 ans. En une décennie, il va, en autocrate, et d’une main de fer, chambouler la société, et la marquer d’un sceau indélébile. Code pénal, Code du commerce, Banque publique de France, préfectures, Universités, Cadastre, Concordat, simplification et unification de la justice, liberté religieuse : son œuvre civile est considérable. A l’occasion du bicentenaire de sa mort, une exposition, retraçant le destin hors-norme de ce Corse né en 1769 dans ce qui était alors le petit village d’Ajaccio, se tient aux Guillemins (Liège). Son commissaire scientifique est Pr Philippe Raxhon, spécialiste de Napoléon et de sa mémoire (ULiège).
Un formidable ascenseur social
Si Napoléon fascine toujours autant, c’est par son ascension et sa trajectoire personnelle hors-normes.
« Avant lui, personne n’était devenu empereur ou chef d’État sans être issu d’une dynastie, et sans être de sang bleu, aristocrate. Et là, pour la première fois de l’histoire, quelqu’un s’élève, par son talent, à la fonction suprême. Et ceci dans une Europe profondément en crise. D’une par suite à la Révolution française, et d’autre part avec des régimes monarchiques qui sont au mieux, craintifs, au pire agressifs à l’égard de ce qu’il se passe en France. »
« Que quelqu’un rejoigne le club des empereurs et des rois, mais en plus écrase sur les champs de bataille les armées de ces souverains, c’est évidemment sans précédent et de nature à laisser une trace dans la mémoire collective. »
Adulé par toutes les classes sociales
Napoléon est quelqu’un qui a su forger sa propre image, de manière fine et intelligente, très moderne. « Par exemple, tous ses maréchaux d’Empire étaient somptueusement vêtus de costumes éclatants, et lui s’est toujours contenté d’un uniforme de chasseur à cheval, un uniforme vert, très simple, et de sa redingote grise. Etre bien moins brillants que ses maréchaux, c’était le contraire de ce que faisait un roi ou un empereur à son époque. »
« Napoléon a séduit les milieux les plus variés. Depuis les militaires par son génie de l’Art de la Guerre, jusqu’aux ouvriers dans les demeures desquels on a retrouvé de petites statuettes à son effigie : c’était celui qui avait combattu et vaincu les grands, les Rois. Cette dimension-là a nourri le mythe de Napoléon. »
Enfin le socle de sa légende, il a su le forger alors qu’il était prisonnier, loin de tout. Avec le Mémorial de Sainte-Hélène, un récit écrit par Emmanuel de Las Cases dans lequel celui-ci a recueilli les mémoires de l’Empereur au cours d’entretiens quasi quotidiens, Napoléon a lancé un testament politique sans précédent.
La fièvre des sciences
Dans son premier roman, « Le Complot des Philosophes » qui vient d’être édité en format de poche par City éditions, Philippe Raxhon, Professeur ordinaire en critique historique au sein du département des sciences historiques de l’ULiège, utilise Napoléon comme fil rouge. « Il est la clé de l’interprétation d’une source que les héros, des historiens universitaires, sont en train de chercher. »
Est révélé dans le roman, un fait très peu connu, mais authentique. « En 1810, Napoléon a ordonné que les Archives secrètes de la Papauté, des Etats du Saint-Siège, qui ne s’appelait pas encore le Vatican, soient transférées de Rome à Paris. Une expédition épique s’en est suivie, avec des centaines d’hommes et des chariots transportant des milliers de paniers d’archives à travers les Alpes. Le but de Napoléon était de faire traduire en français et d’éditer les pièces du procès de Galilée, afin de montrer le contraste entre la science et la superstition. »
Napoléon était extrêmement sensible aux sciences. « Il a décoré des savants de la Légion d’honneur. En a emmenés en Egypte, ce qui a eu pour effet de faire faire un bond considérable à l’Egyptologie. Lui-même était mathématicien. S’étant distingué en mathématiques et en physique lors de ses études, il a été versé dans l’artillerie, domaine pour lequel il fallait, à l’époque, un don et des connaissances en mathématiques. »
Alors qu’il était sur le point d’être pris par les Anglais, et envoyé à Sainte-Hélène en 1815, Napoléon nourrissait le projet de partir en Amérique et d’y faire une expédition scientifique. « Il projetait de ne plus s’occuper que de sciences. » Qui sait ce que ce visionnaire infatigable aurait accompli et révolutionné dans ce domaine …