Michaël Gillon, Prix Francqui 2021 © JL Wertz / ULiège

Michaël Gillon (FNRS/ULiège), chasseur d’exoplanètes, reçoit le Prix Francqui 2021

5 mai 2021
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 6 min

Le prix Francqui 2021, la plus importante récompense scientifique belge, vient d’être attribué à Michaël Gillon, maître de recherche du FNRS au sein du département AGO (Astrophysique, Géophysique et Océanographie) à  l’Université de Liège. En 2017, l’astrophysicien, spécialiste des exoplanètes, avait été le premier à détecter un système multi-planétaire autour de l’étoile TRAPPIST-1. Et ce, par la méthode des transits.

Ces planètes avaient, en effet, toutes été détectées lors de leur passage devant leur étoile hôte, une naine ultra-froide baptisée Trappist-1. Cette technique de détection est celle privilégiée par Michaël Gillon dès son postdoctorat à Genève. C’est en utilisant le télescope liégeois TRAPPIST-Sud, installé à l’Observatoire de La Silla de l’ESO, que ce système avait été découvert par le scientifique liégeois et son équipe.

Les 7 exoplanètes détectées autour de l’étoile TRAPPIST-1 © R.Hurt et T.Pyle / NASA – Cliquez pour agrandir

Un spécialiste de la méthode des transits

Les recherches de Michaël Gillon sur le sous-ensemble des exoplanètes qui transitent devant leur étoile avaient permis d’en caractériser les orbites, les masses, les dimensions. C’était le fruit de longues années de recherches, initiées dès son postdoctorat à l’Université de Genève, auprès du Pr Didier Queloz, un des deux astronomes ayant identifié, avec Michel Mayor, la toute première exoplanète en 1995.

« Une quête qui est loin d’être terminée », explique le lauréat du Prix Francqui 2021.  « Grâce aux télescopes Trappist et Speculoos, nous continuons à rechercher des systèmes planétaires dans notre galaxie via la méthode des transits », explique-t-il. « Avec comme but ultime ce qui a toujours été l’objectif initial de mes recherches : étudier l’atmosphère de planètes potentiellement habitables. »

Trappist et Speculoos débroussaillent le terrain

« La détection de planètes via la méthode des transits devant des petites étoiles comme le système Trappist a été le meilleur moyen que j’ai pu envisager pour atteindre cet objectif », continue le Dr Gillon. « Grâce à nos télescopes (petits par rapport aux instruments géants) Speculoos et Trappist qui scrutent le ciel de manière téléguidée et automatique, nous voulons tout d’abord pouvoir élaborer un catalogue de petites étoiles proches dotées de planètes susceptibles d’être, ensuite, la cible d’études atmosphériques détaillées. »

« Quand je dis des étoiles proches, je pense à des astres situés  jusqu’à une centaine d’années-lumière de distance de la Terre. Trappist, par exemple, se trouve à 40 années-lumière de notre étoile, le Soleil. »

La quête ultime: déterminer l’éventuelle habitabilité des exoplanètes

« Une fois ce catalogue établi, notre objectif est d’utiliser les très grands télescopes comme le futur télescope spatial James Webb ou encore les ELT (Extremely large telescope) terrestres pour détecter la présence d’une éventuelle atmosphère autour de ces planètes. Ce qui n’est pas du tout certain à ce stade. Ces planètes orbitent, en effet, autour d’étoiles très petites ayant tendance à être assez actives. Il est donc possible que ces planètes n’aient pas d’atmosphère. »

« Déterminer si ces planètes tempérées de la taille de la Terre disposent d’une atmosphère constituera une très grande étape pour nos travaux. Si tel est bien le cas, notre objectif sera alors d’étudier la composition de ces atmosphères ainsi que leurs  conditions de surface afin de déterminer leur éventuelle habitabilité. » Voilà qui explique pourquoi, à l’université de Liège, le Dr Gillon a aussi été à l’origine de la mise sur pied d’un groupe de recherche en astrobiologie, avec la Pre Emmanuelle Javaux.

Des recherches de pointe, donc, qui ont retenu l’attention du jury du Prix Francqui cette année. Un jury présidé par le Pr Ben Feringa, Prix Nobel de chimie en 2016.

Une carrière atypique, qui commence par l’armée belge

Des recherches auxquelles, en réalité, rien ne prédestinait le Dr Gillon. Ce fils d’un ouvrier communal et d’une secrétaire, bien qu’attiré très tôt par les étoiles et fasciné par la possible existence d’une vie ailleurs dans l’Univers avait d’abord entamé, à 17 ans, une carrière militaire. Après quelques années comme fantassin au sein du Régiment des Chasseurs Ardennais de Marche-en-Famenne, il développe une maladie du système nerveux (fibromyalgie) qui rend son travail de militaire de moins en moins gratifiant.

« Diminué physiquement, il va alors se réfugier dans la lecture, notamment celle de nombreux livres de vulgarisation scientifique, qui vont développer chez lui une passion toujours plus forte pour l’étude de la vie, de l’Univers et de leurs mystères », précise la Fondation Francqui.

Réformé de l’armée pour raison médicale en 1998, il se lance, à 24 ans, dans une 1re année en biologie à l’Université de Liège. Ce sera une révélation. À sa surprise, ses notes sont excellentes, ce qui renforce sa confiance en lui et exacerbe son envie d’apprendre et de comprendre. Il cumule alors, toujours à Liège, l’étude de la biologie et de la physique (bacheliers), puis de la biochimie et l’astrophysique (masters).

Un doctorat à Liège en 2006

En 2002, il entame, toujours à l’ULiège, un doctorat en astrophysique axé sur la mission spatiale CoRoT. L’un des objectifs scientifiques de cette mission est la détection et l’étude d’exoplanètes, un jeune domaine alors en plein essor. Ces premiers travaux sont intimement liés à la question qui fascine Michaël Gillon depuis toujours : sommes-nous seuls dans l’Univers ?

Après avoir défendu sa thèse en mars 2006, pour laquelle il obtient la plus grande distinction, il part ensuite pour un séjour postdoctoral à l’observatoire de Genève où il intègre pendant près de trois ans le groupe de Michel Mayor et Didier Queloz, pionniers du domaine et récompensés en 2019 par un prix Nobel pour leur détection de la première exoplanète en orbite autour d’une étoile similaire au Soleil.

De retour à l’Université de Liège en janvier 2009, d’abord comme chercheur post-doctorant puis comme chercheur qualifié FNRS en 2010 et maître de recherches FNRS en 2018, Michaël Gillon poursuit ses travaux sur la détection d’exoplanètes et leur caractérisation physico-chimique.

Il est notamment à l’origine du projet TRAPPIST (TRAnsiting Planets and Planetesimals Telescope), basé sur un télescope robotique qu’il installe avec des collègues liégeois à l’Observatoire Européen Austral de La Silla au Chili en 2010, et pour lequel il dirige le programme exoplanète. Il a également conçu et développé le projet SPECULOOS (Search for Planets EClipsing ULtra-cOOl Stars) basé sur la recherche d’exoplanètes potentiellement habitables en transit autour d’étoiles proches de très faible masse.

Le Prix Francqui 2021 sera remis officiellement au lauréat, le 9 juin prochain, par le Roi, au Palais des Académies, à Bruxelles.

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