© Valbiom

Un tissu naturel en chanvre wallon

4 octobre 2019
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 5 minutes

Diversifier les débouchés pour les cultivateurs de chanvre tout en développant une filière textile en Wallonie, voilà l’objectif du projet de recherche mené par Valbiom et financé durant 5 ans par la Wallonie. Depuis le 1er juillet 2019, cette asbl est mandatée par le Gouvernement wallon pour coordonner les actions liées au développement de la filière chanvre en Wallonie.

La mise au point de textiles à base de chanvre n’est pas un pari gagné d’avance. Pendant plusieurs décennies, la culture du chanvre a été interdite dans notre contrée. Le savoir-faire artisanal, lié à la transformation textile de cette plante, s’est perdu. Les entreprises de transformation du textile se font désormais rares et peu voire pas adaptées au chanvre d’un point de vue technologique. Le défi est de taille.

Manteau en chanvre wallon, création de Marie Anne Dujardin ©Marie Anne Dujardin

Un premier prototype de tissu wallon

Durant les six derniers mois, Valentine Donck, chargée du projet Fibres Textiles chez Valbiom, a affiné le prototype qui avait été précédemment mis au point par l’asbl Chanvre wallon. « Le premier tissu en fibres naturelles né sur le sol wallon est un mélange. Le tissu écru, c’est-à-dire non blanchi et non teint, est composé d’un tiers de chanvre wallon, d’un tiers de laine locale – provenant du nord de la France, de Belgique et de Hollande – et d’un tiers de lin wallon. »

« Avec un peu plus de 350 g/m², il est assez épais. C’est un tissu d’ameublement, qui peut également servir à la conception d’accessoires, comme un coussin ou un sac à dos de ville, mais aussi de manteaux. » Comme la création de Marie Anne Dujardin, présentée récemment au MAD- Brussels Fashion and Design Platform.

Une première production timide

La première production de tissu wallon en fibres naturelles est volontairement limitée, recherche en cours oblige. A peine 200 mètres de tissu écru et 90 mètres de tissu chiné bleu sont sortis des ateliers. « L’idée était de montrer des exemples d’applications, pas de lancer directement une commercialisation à large échelle », indique la chargée de projet Fibres Textiles chez Valbiom, asbl œuvrant pour le développement d’une économie circulaire et durable.

Une partie du tissu produit est destiné à des écoles de stylisme. « Des étudiants vont intégrer cette matière dans leurs cours pratiques. Comme ceux de la section Ecodesign de la haute école Francisco Ferrer et ceux du master en mailles de l’Académie royale des beaux-arts. On leur donnera des explications sur le chanvre, comment il se travaille, quel est son intérêt, etc. Par ailleurs, certains étudiants réaliseront un travail sur le chanvre en explorant d’autres pistes comme le chanvre non-tissé. Nous allons pouvoir mélanger nos idées et évoluer ensemble. »

Les recettes paieront les prochains tests de conception

Les citoyens qui souhaitent acheter un pan de ce tissu du terroir peuvent se rendre dans l’un des cinq points de vente en Wallonie et à Bruxelles. Quant aux designers et autres personnes souhaitant une quantité grossiste, ils doivent passer par Valbiom.

« Les recettes de la vente du tissu vont nous permettre de faire d’autres essais de conception de tissu à partir de fibres de chanvre. On est au tout début du processus, poursuit-elle. Notre premier prototype est intéressant, mais il n’est pas polyvalent. Il ne convient pas pour la confection de t-shirts ou de différentes sortes de jupes. On doit encore progresser dans la recherche. »

Champ de chanvre wallon ©Valbiom

Un nouveau mode de culture du chanvre pour des fibres plus longues ?

Pour créer de longues fibres conduisant à un tissu et à des fils très fins, il faudra très probablement cultiver le chanvre comme on le fait avec le lin. Afin que les machines puissent les récolter, les tiges, toutes d’une certaine longueur, doivent être couchées parallèlement sur le champ. Cette disposition est cruciale pour façonner des bottelées particulières, mais aussi pour les installations de teillage qui séparent la fibre de la tige.

« Travailler le chanvre comme le lin est une piste très intéressante. Mais cela exigera de semer des variétés particulières, avec une densité particulière et une moissonneuse spéciale, que l’on n’a pas. Par contre, des installations de teillage de lin existent, on pourrait imaginer y traiter le chanvre. On essaie, avec les installations industrielles existantes, en Belgique et dans les pays limitrophes, de faire au mieux et de diversifier les débouchés du chanvre », explique Valentine Donck

Et d’ajouter, « on a des prémisses de contacts avec des industriels. Au niveau européen, face à la concurrence asiatique, ils s’intéressent à inclure le chanvre dans leur offre. »

Le large panel de débouchés du chanvre

Les atouts du chanvre sont multiples. Cette plante, cousine du cannabis, mais dénuée de psychotropes, est un puits à carbone. Elle a une croissance rapide, produit une grande quantité de biomasse et bien adaptée à notre climat. De plus, elle nettoie les sols et n’a nullement besoin de traitement pesticide contre les maladies ou les ravageurs. Par ailleurs, outre le textile, ses débouchés embrassent des domaines aussi variés que l’alimentation, la construction et l’automobile.

Avec leur goût de noisette, les graines de chanvre, entières ou décortiquées (voire torréfiées), entrent dans l’alimentation humaine pour égayer salades, viandes ou yaourts. Les animaux, oiseaux, poissons et chevaux en sont aussi friands. Au départ de ces graines bios, PurChanvre (Neufchâteau) fait aussi de l’huile.

Isolation des habitations et plasturgie automobile

Avec la fibre (extérieur des tiges) de chanvre, outre du fil et du tissu, on confectionne des panneaux isolants écologiques pour la construction. Le pouvoir d’isolation acoustique du chanvre est meilleur que celui des laines minérales, bien que moins bon en isolation thermique. Le chanvre est plus résistant à l’humidité et plus sain lors du placement. Aussi la chènevotte (soit l’intérieur des tiges que l’on broie) peut être déversée en vrac dans les caissons des combles ou mélangée avec de la chaux et de l’eau pour faire un béton de chaux-chanvre. Isohemp à Fernelmont en fait des blocs préfabriqués.

Autre débouché : la plasturgie automobile. Les fibres de chanvre renforcent et allègent les éléments composites en plastique de l’arrière du coffre et dans les portières. L’usage des fibres naturelles permet un gain de 25 voire 30% en poids, intéressant pour un secteur qui doit produire des véhicules plus légers émettant moins de CO2.

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