Robots chanteurs © UNamur

A l’UNamur, les choristes sont des robots sociables

4 octobre 2023
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 6 minutes

Une chorale de robots! Voilà le projet un peu fou réalisé à l’ UNamur. Il a consisté à concevoir et à construire 15 robots autonomes se déplaçant de manière aléatoire dans un espace fermé. Lors de leurs rencontres, ils génèrent une composition sonore unique. Ce projet mêlant sciences et arts, baptisé « Chœurs Synthétiques », est né d’une collaboration entre des chercheurs de l’Institut naXys et du laboratoire de robotique de la Faculté d’informatique de l’Université de Namur, des membres du TRAKK, le hub créatif de la Province de Namur, et des artistes belges du collectif VOID.

Robot chanteur © Elio Tuci / UNamur

 

Un cerveau dans un socle

Ils ont la forme et la taille de têtes humaines transformées en gramophone. Elles ont été designées par les artistes pour garantir une qualité optimale du son émis et imprimées en 3D par la société gembloutoise 3DTECHLAB.

Quant au socle sur lequel ces têtes anthropomorphes sont posées, qui correspond au cerveau de chaque robot (contenant les batteries, capteurs et autres pièces électroniques et mécaniques), il a été créé à la Faculté d’informatique de l’UNamur, en pleine période Covid-19, depuis sa conception jusqu’à son assemblage.

« La partie la plus compliquée a été la construction des robots : nous sommes en faculté d’informatique, pas d’ingénierie, on a dû s’équiper des outils indispensables pour construire les 15 robots », se rappelle Elio Tuci, professeur de robotique et d’intelligence artificielle bio-inspirée.

Socle d’un robot contenant les batteries, capteurs et autres pièces électroniques et mécaniques © Elio Tuci / UNamur
Montage des différentes pièces du socle du robot © UNamur
Placement de la tête sur le socle © UNamur

Coopération et consentement

L’œuvre s’appuie sur la technologie « Swarm robotics », ou robotique en essaim, inspirée du comportement des insectes sociaux comme les fourmis et les abeilles. Située à la frontière de l’intelligence artificielle, elle explore la manière dont des règles et comportements simples, appliqués à un groupe de robots autonomes, peuvent conduire à l’émergence de comportements et d’actions plus complexes. Et ce, dans des environnements sociaux et physiques complexes et variés.

« Chœurs synthétiques » est un système homogène où tous les robots sont dotés du même algorithme. Ils réagissent tous aux mêmes règles de base : « Va tout droit » ; « Si tu rencontres un mur, va en arrière » ; « Si tu rencontres un autre robot, arrête-toi ».

« Chaque robot bouge de manière aléatoire tout en évitant les obstacles. Il est doté de son propre système de contrôle, programmé pour coopérer avec les autres robots. Lorsqu’il s’approche d’un congénère, il peut lui poser des questions comme « veux-tu chanter avec moi ? ». L’autre peut lui répondre oui ou non. Si la réponse est oui, les deux robots s’arrêtent et commencent à émettre un son », explique Pr Tuci.

Rencontre entre deux robots © UNamur

Des chants humains et uniques

Dans la version actuelle des robots, chacun émet un son qui lui est propre. Un son humain. Les choristes du Centre d’art vocal et de musique ancienne (CAV&MA) ont, en effet, prêté leur voix aux robots du projet. Chaque note a été enregistrée en studio, transférée sur micro-carte et intégrée dans un robot.

La composition musicale chantée par les robots est à chaque fois unique. Elle ne se répétera jamais puisqu’elle dépend du déplacement aléatoire des robots dans l’espace, rendant les rencontres avec un autre robot également aléatoires.

Un chanteuse lyrique du Centre d’art vocal et de musique ancienne enregistre un son en studio © UNamur

Chanter collectivement

Ces rencontres peuvent avoir lieu à 2, 3 ou 4 robots. La durée du chant est un paramètre du système. « En fonction de la vitesse à laquelle se déplacent les 15 robots et de la taille de l’environnement (clôturé par une petite barrière de 2 cm de haut) dans lequel ils évoluent, on peut estimer le nombre d’interactions. Sur base de cette estimation, on décide de la durée des interactions : plus elles sont courtes, plus le système est dynamique », explique Pr Tuci.

Dans la version actuelle de « Chœurs Synthétiques », chaque robot chante durant 20 secondes. Chanter est programmé pour être une activité collective : les robots ne peuvent pas vocaliser seuls.

« Des choses intéressantes arrivent parfois : 2 robots se rapprochent, commencent à chanter puis, après 10 secondes, un troisième arrive. 10 secondes plus tard, les deux premiers ont fini de pousser la vocalise et repartent, laissant le 3e chanter seul. Lorsque ce dernier s’en rend compte, au bout de 2-3 secondes, il écourte sa phase de chant et s’en va », poursuit-il.

Chant en trio © UNamur

Vers des chants plus élaborés

D’autres idées émergent pour rendre l’installation encore plus intéressante, robotiquement parlant. « Nous travaillons en collaboration avec un doctorant de l’ULB qui utilise l’intelligence artificielle pour générer de la musique. Nous aimerions intégrer cet aspect de musique artificielle dans les robots », poursuit Pr Tuci.

« Une autre idée serait de faire chanter les robots à plusieurs niveaux sonores, d’utiliser leurs interactions pour synchroniser certains de leurs comportements, mais aussi pour leur faire choisir collectivement la tonalité sur base d’un consensus. Ensuite, chaque robot émettrait différentes notes en respectant la tonalité (actuellement, chaque robot n’émet qu’une seule note, NDLR). On planche sur la partie la plus compliquée qui est de synchroniser le système pour avoir un rythme agréable à l’oreille. Développer de tels systèmes de contrôle, c’est un beau challenge scientifique », conclut Pr Tuci.

Deux séances d’exhibition des 15 robots ont été réalisées au pavillon de la citadelle de Namur lors du Printemps des Sciences 2023. La prochaine fois que le grand public pourra assister à leur tour de chant, ce sera au KIKK festival en octobre 2023.

 

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