Selon l’Organisation météorologique mondiale, la température moyenne sur la planète est, à ce jour, supérieure d’environ 1,15 °C à sa valeur préindustrielle (période comprise entre 1850 et 1900). En clair, le changement climatique n’est pas un phénomène qui arrivera dans un futur lointain. Il est déjà en cours.
Lors de la conférence « Les changements climatiques en Province de Liège aujourd’hui et demain » organisée dans le cadre de la « Quinzaine du Climat » de l’ULiège, le Pr Xavier Fettweis, chercheur qualifié FNRS et Directeur du Laboratoire de Climatologie et Topoclimatologie, a fourni un aperçu du futur climatique de la Belgique et de la région de Liège, en se basant sur les résultats des projections du Modèle Atmosphérique Régional (MAR), développé à l’ULiège.
Une hausse des températures de 3 °C, un scénario de plus en plus probable
Contenir la hausse des températures mondiale à moins de 1.5 °C – limite fixée en 2015 par l’accord de Paris lors de la 21e Conférence des Parties sur les changements climatique (COP21) – semble de plus en plus compromis. En septembre 2023, l’Organisation de Nations Unies indiquait notamment que de nombreux efforts restaient à faire pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris :
« Les émissions mondiales ne suivent pas les trajectoires d’atténuation modélisées au niveau mondial qui sont compatibles avec l’objectif de température de l’Accord de Paris. Et les possibilités de relever le niveau d’ambition et de donner effet aux engagements actuels afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels s’amenuisent rapidement.»
Un constat partagé par Xavier Fettweis lors de son exposé : « Sur base des différents scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution possible du climat (GIEC), le plus probable est une augmentation de 3 °C à l’horizon 2100, par rapport aux niveaux préindustriels. »
Des étés chauds et très secs
Pour réaliser ses projections, le GIEC utilise des outils informatiques (des modèles) qui permettent de simuler l’évolution du climat à l’échelle mondiale sur une longue période. Ces modèles climatiques globaux présentent typiquement une résolution de 100 à 200 km. Pour prédire les changements climatiques à l’échelle d’un pays, une résolution plus fine est toutefois nécessaire. C’est là qu’entre en jeu le modèle MAR, développé depuis la fin des années 1990 à l’ULiège, initialement pour étudier les régions polaires.
« A l’aide de ce modèle, nous sommes parvenus à « zoomer » sur la Belgique à une résolution de 5 km. On a, ensuite, simulé les différentes trajectoires possibles selon le scénario SSP3 du GIEC, tablant sur une hausse de la température globale de 2 degrés d’ici à 2050 », indique le Pr Fettweis.
Résultats ? « Selon nos projections, dans un monde à +2 degrés, les températures annuelles en Belgique continueront à augmenter. Côté précipitations, si on n’observe pas de changement significatif à l’échelle annuelle, elles diminueront nettement durant la saison estivale. On connaîtra encore quelques étés humides, similaires à celui de 2021, mais ils seront surtout très secs et chauds. Ce sont clairement nos étés qui auront les changements climatiques les plus importants.»
Liège en 2050, une fournaise
A Liège, la « Cité Ardente » ne portera jamais aussi bien son nom. Dans 30 ans, les températures annuelles et celles mesurées durant la période estivale seront équivalentes à celles observées actuellement à Poitier. « Et d’ici 2100, le climat liégeois correspondra davantage à celui de Toulouse ».
Sans surprise, les vagues de chaleur y deviendront aussi plus fréquentes : « Liège connaît pour le moment 3 à 4 jours de chaleur (quand les températures sont supérieures ou égales 30 °C) et 1 ou 2 nuits tropicales (quand les températures ne descendent pas en dessous de 20 ° C). Dans un monde où la température globale augmenterait de 2 ° C, ce sera en moyenne entre 15 et 20 jours de chaleur, et entre 10 et 15 nuits tropicales par an.»
Par ailleurs, les Hautes-Fagnes, situées en Province de Liège, seront particulièrement touchées par la hausse des températures et la diminution des précipitations. « A l’horizon 2100, le climat au Mont Rigi (situé à 680 mètres d’altitude), sera équivalent à celui de Liège à l’heure actuelle. Il y neigera encore de temps en temps, mais ça deviendra exceptionnel. »
Concernant les événements extrêmes, le Pr Fettweis est notamment revenu sur les inondations de juillet 2021. « Dans tous les scénarios, le modèle MAR suggère que ce type d’événement se reproduira. Et toutes les modélisations montrent que la vallée de la Vesdre est l’endroit le plus critique en Belgique pour ce type d’événement. »
Des modèles faillibles
Lors de son exposé, le chercheur signale que les projections climatiques peuvent se tromper. Malheureusement, pas dans le bon sens. Par exemple, la vague de chaleur que la Belgique a connue en septembre 2023 – un phénomène jamais vu durant ce mois depuis le début des observations en 1892 – n’aurait pas dû se produire avant au moins 2050, voire 2070-2080, selon plusieurs réalisations du modèle MAR.
« A Liège, quand on regarde la série d’observations de température annuelle depuis 1950, les anomalies observées jusqu’ici sont supérieures à ce que les projections prévoient. Aussi, il est possible que les modèles climatiques sous-estiment les changements à venir. »
Alors que la COP28 bat actuellement son plein à Dubaï (Emirats arabes Unis), il est à espérer que les dirigeants prendront des décisions à la hauteur des enjeux. Alors que l’année s’achève, l’Organisation météorologique mondiale vient d’annoncer que 2023 pourrait bien devenir l’année la plus chaude jamais enregistrée.