Evènements climatiques extrêmes : anticiper l’inattendu

5 février 2025
par Laetitia Theunis
Temps de lecture : 4 minutes

Mieux prévoir les fluctuations extrêmes du climat. C’est à cet objectif que s’attelle le projet EXALT. Coordonné par Pre Anna Kiriliouk, mathématicienne spécialiste de la théorie des valeurs extrêmes à l’UNamur, il combine expertises en statistiques et en climatologie. « Caractériser les événements climatiques extrêmes et quantifier leurs probabilités d’occurrence sont des défis importants à relever afin que la société puisse être résiliente et se doter de solutions d’adaptation. »

Spécifiquement, le projet investigue le rôle du changement climatique contemporain dans la survenue d’inondations, ainsi que de vagues de chaleur et de sécheresse. Le troisième point d’intérêt porte sur la fonte de la banquise antarctique, expertise de l’un des climatologues collaborant au projet.

Les stats classiques hors-jeu

Les statistiques classiques sont très mal adaptées aux événements rares. « En effet, la majorité des résultats de statistiques classiques explique comment se comporte la moyenne pour un grand nombre d’échantillons. C’est la loi de la distribution normale ou gaussienne », explique Pre Kiriliouk.

« Un événement rare n’est pas, par définition, un événement moyen. Si on utilisait la distribution normale, on sous-estimerait très fortement ses probabilités d’occurrence. Car lorsqu’on s’écarte suffisamment de la moyenne, les probabilités d’un encore plus grand écart sont très vite égales à zéro. Or, les probabilités d’observer un phénomène de très fortes précipitations pluvieuses sont certes faibles, mais elles ne sont pas nulles. »

De la finance au climat

Pour sortir de cette impasse, les mathématiciens ont recours à la théorie des valeurs extrêmes. Elle s’intéresse spécifiquement aux dépassements de très grands seuils, aux valeurs extrêmes, minimales ou maximales des distributions de probabilité.

Cette branche des statistiques est très populaire en finances. Elle permet d’évaluer les impacts sur le bilan de la banque ou encore de déterminer les limites de risques pour le trading, et d’esquisser le pire scénario possible, par exemple.

La faute à qui ?

L’utilisation de valeurs extrêmes en matière de modélisation climatique, ce n’est pas du tout nouveau. Là où le projet EXALT se distingue, c’est qu’il utilise ces statistiques pour l’attribution d’évènements climatiques extrêmes. C’est-à-dire pour quantifier la composante humaine qui contribue au changement climatique dans l’occurrence des valeurs.

Cela permettrait, par exemple, d’investiguer la question suivante : est-ce que les inondations liégeoises de juillet 2021 ont été causées par les émissions de CO2 anthropiques ? Les chercheurs vont, donc calculer les probabilités de survenue de cet évènement et les comparer avec celles d’une même situation dans un monde où les gaz à effet de serre n’auraient pas cessé d’augmenter depuis la Révolution industrielle. « C’est en comparant ces probabilités que l’on peut déterminer si l’occurrence d’un événement est devenue plus grande aujourd’hui », explique Pre Kiriliouk.

Chaque probabilité est toujours accompagnée d’un intervalle de confiance. « Avec nos méthodes avancées, notre objectif est de rendre cet écart d’incertitude pour les événements rares aussi petit que possible. »

Combiner expertises statistique et climatologique

Pour atteindre ce but, dans le cadre du projet EXALT, des statisticiens travaillent main dans la main avec des climatologues. « Une expertise sur les données est essentielle afin de choisir les variables pertinentes. Par exemple, pour modéliser les survenues de pluies, on pourrait ne prendre que les données pluviométriques des diverses stations belges. Mais ce serait omettre les variables atmosphériques qui doivent être prises en compte pour que cette modélisation soit précise », explique Pre Kiriliouk.

Le projet, d’une durée de 5 ans et soutenu par un ARC (Action de Recherche Concertée) financé par la FWB, a démarré en septembre 2024. Quatre doctorants au profil mixte, par exemple ayant un bachelier en physique et un master en data science, ont été engagés. Chacun est supervisé à la fois par un climatologue et par un statisticien. Des postdoctorants viendront rejoindre l’équipe l’an prochain.

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