Impression de champignons © Jean-François Rees

L’impression biologique pour créer, comprendre et innover

5 septembre 2023
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 4 min

Série : Arts et Sciences (2/3)

Voilà plusieurs années qu’il s’allie avec des artistes pour parler de sciences autrement et pour valoriser les travaux créatifs de ses étudiants, notamment des organes et des animaux non vertébrés du futur. Lui, c’est Jean-François Rees. Professeur au sein du Louvain Institute of Biomolecular Science and Technology (IBST), il enseigne la biologie animale, la créativité et la démarche scientifique. Il va profiter d’une année sabbatique pour réaliser un projet artistico-scientifique. Il s’agira de co-imprimer en 2D différentes espèces de micro-organismes et d’analyser le graphisme de leur culture pour en déterminer la nature de leur relation écologique.

« Ce que j’aime dans les arts, c’est la liberté. Parfois, en sciences, je me sens un peu à l’étroit. Pourtant, j’adore les sciences. Mais c’est très gai d’avoir cette liberté, d’aller s’aventurer. J’aime bien le côté disruptif, créatif, trouver des voies inexplorées qui sont devant nous depuis longtemps, mais dans lesquelles personne ne s’est lancé. Et d’inventer un sujet. »

Impression de champignons © Jean-François Rees

Interpréter le graphisme en termes scientifiques

Profitant d’une année sabbatique, dès septembre, le Pr Jean-François Rees va remettre sur le métier un projet de graphisme avec des micro-organismes qu’il avait débuté il y a quelques années.

« Dans le cadre de mes enseignements, j’avais découvert que des gens avaient eu l’idée géniale de prendre une vieille imprimante HP, d’enlever l’encre de l’encrier, de la remplacer par une suspension de cellules et puis d’imprimer ces cellules sur du papier. Ils réussissaient ainsi à créer des motifs particuliers. »

« A l’époque, il y avait une collection incroyable de champignons à l’étage en dessous du mien, et je me suis dit qu’on pourrait faire un projet sensationnel à portée graphique. Ainsi, après avoir mis en suspension des spores de champignons dans l’encrier remanié d’une imprimante 2D, elles sont utilisées comme « encre » et imprimées sur du papier selon un motif choisi. Ce papier est ensuite placé dans des conditions de culture afin que le motif se développe. On s’est amusé, mais le projet s’est terminé prématurément suite au décès de ma collaboratrice . »

Après avoir été mis quelques années en suspens, le projet va donc reprendre vie. « Je voudrais co-imprimer différentes espèces de champignons, de bactéries, et voir si leurs relations écologiques (collaboration, coopération, parasitisme, etc.) peuvent se révéler via des formes graphiques particulières. Autrement dit, faire peut-être émerger une méthode graphique très simple de qualification de la relation entre espèces vivantes.»

Jean-François Rees © Jean-François Rees

Impression 3D de tissus animaux

En parallèle, le Pr Rees va profiter du temps retrouvé pour donner corps à un autre projet, purement scientifique celui-là, traitant de l’impression 3D de tissus animaux. Et ce, dans l’optique de réduire l’utilisation d’animaux de laboratoire.

« Je vais travailler avec un animal extrêmement simple, une éponge marine, et partir de ses cellules pluripotentes, totipotentes. On va les dissocier, les cultiver, les multiplier, puis essayer de reconstituer des tissus de cet animal. Et ce, en posant, avec l’imprimante 3D, chaque cellule à un endroit bien particulier avec une matrice. Et, en déterminant quels sont les facteurs qui font qu’une cellule se développe en tel tissu. »

« Cette expérimentation de création de tissus animaux sera réalisée dans mon laboratoire de biologie animale. Un consortium de scientifiques intéressés dans l’impression 3D de tissus animaux a été mis sur pied. Et nous sommes en train d’acquérir une imprimante 3D, dans le cadre d’un subside de Valérie Glatigny, ancienne Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MR), pour développer des méthodes alternatives aux animaux d’expérience. »

« En effet, l’impression 3D permettrait de créer des modèles expérimentaux pour les recherches scientifiques, ne nécessitant pas de tuer d’animal. » Ils seraient plus élaborés que les organoïdes, petits amas de cellules simples qui sont des versions miniatures et simplifiées d’un organe, fabriqués in-vitro en trois dimensions.

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