Quatre « biscuits » pour observer l’Univers… Le bon mot est du Pr Didier Queloz, de l’Université de Cambridge, au Royaume-Uni. L’astrophysicien suisse était à Liège ce mercredi pour participer à l’inauguration des quatre télescopes liégeois du projet « Speculoos » («Search for habitable Planets EClipsing ULtra-cOOl Stars »), installés au Chili. Il s’agit d’un ensemble de quatre télescopes jumeaux télécommandés et dont le miroir principal fait à chaque fois un mètre de diamètre. Dès janvier prochain, ils seront chargés de détecter des exoplanètes orbitant autour d’étoiles « froides », peu lumineuses.
Un partenariat avec le Pr Queloz, découvreur de la toute première exoplanète
Le Pr Queloz, jadis attaché à l’Université de Genève, est en réalité le découvreur (avec Michel Mayor) de la toute première exoplanète jamais observée. C’était il y a plus de 20 ans. Aujourd’hui, on en dénombre plus de 4.000, dont le fameux système « Trappist » découvert par les scientifiques de l’Université de Liège Michaël Gillon et Emmanuel Jëhin, avec le concours d’un autre liégeois, désormais professeur au MIT: le Dr Julien de Wit
Avec son laboratoire d’astrophysique (Cavendish Astrophysics), Didier Queloz participe activement au projet Speculoos porté par le Pr Michaël Gillon, chercheur à la tête du groupe « EXOplanets in Transit : Identification et caractérisation» (EXOTIC) au sein du Département d’astrophysique, géophysique et océanographie de l’Université de Liège (ULiège). Un projet qui vise à surveiller pendant quelques années un millier d’étoiles « froides » en vue d’identifier la présence d’exoplanètes, des planètes orbitant autour d’autres étoiles que notre Soleil.
A l’ombre des grands télescopes de l’ESO, au Chili
Ces quatre nouveaux télescopes ont été installés à l’Observatoire Paranal de l’ESO, l’Observatoire austral européen) au Chili. « Ils nous permettront d’étudier des mondes extrasolaires qui ressemblent à la Terre de manière plus détaillée que nous ne pouvions l’imaginer il y a seulement dix ans », explique Michaël Gillon.
Ces quatre télescopes, de fabrication allemande, coûtent chacun un million d’euros. Deux d’entre eux ont été financés par une bourse de l’ERC (Conseil européen de la Recherche). Le troisième a été payé par l’Université de Cambridge et le dernier par l’Université du Roi Abdulaziz (Jeddah, Arabie Saoudite).
Après les tests d’usage, ces télescopes commenceront leur surveillance du ciel. Ce sera pour le début de l’année 2019.
Mille étoiles dans le collimateur
Le projet SPECULOOS vise à rechercher des planètes de la taille de la Terre potentiellement habitables autour d’étoiles ultra froides ou de naines brunes.
Bien qu’il existe quelques exemples d’exoplanètes en orbite autour de ces étoiles, elles ne représentent qu’une infime fraction de toutes les exoplanètes découvertes, et moins encore sont potentiellement habitables. Même si ces petites étoiles sont plus difficiles à observer, elles sont abondantes (elles représentant environ 15% des étoiles de notre galaxie), et SPECULOOS est conçu pour explorer les 1000 étoiles les plus proches, les plus brillantes et les plus petites, et détecter ainsi des planètes dans la zone habitable comparable à celle de la Terre.
SPECULOOS recherchera ces exoplanètes par la méthode dite de transit. Lorsqu’une planète passe devant son étoile, elle bloque une partie de la lumière de l’étoile, provoquant une petite éclipse partielle et une atténuation subtile, mais détectable de la lumière de l’étoile. Les exoplanètes dont les étoiles hôtes sont plus petites bloquent une plus grande partie de la lumière de leur étoile pendant un transit, ce qui rend ces éclipses périodiques plus faciles à détecter.
Jusqu’à présent, seule une petite fraction des exoplanètes détectées par cette méthode de transit se sont avérées de la taille de la Terre ou plus petites, et ce en raison des limites d’observation des télescopes spécifiquement dédiés à cette détection. Cependant, le projet SPECULOOS pourrait permettre de nouvelles découvertes de planètes de la taille de la Terre, voire plus petites, à la fois en raison de la proximité et de la petite taille des étoiles ciblées par le projet, et du diamètre relativement grand des miroirs des télescopes.
L’identification de ces exoplanètes est au cœur des observations des télescopes SPECULOOS. Mais cette détection ne constitue qu’une étape dans le programme des chercheurs. Une fois localisées, elles seront alors observées par le futur télescope spatial James Webb et les télescopes terrestres ELT et TMT. Leur mission: analyser le spectre atmosphérique de ces exoplanètes, afin d’y détecter des composés chimiques pouvant trahir la présence d’éventuelles formes de vie…
« Je suis certains que dans dix ans, nous aurons découvert de la vie ailleurs dans l’Univers », pronostique le Pr Pierre Wolper, recteur de l’Université de Liège. « Et que l’Université de Liège aura joué un rôle important dans cette découverte »… Rendez-vous en 2029?