Poêlée de vers de farine

Des insectes dans votre assiette?

5 décembre 2023
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 5 minutes

Votre sauce bolognaise, avec ou sans protéines d’insectes ? La question peut faire sourire. Pourtant, remplacer dans notre alimentation les protéines animales habituelles par des protéines d’insectes est une idée séduisante pour la planète. Lors du second événement « Bugs in mugs » ( « des insectes dans mon assiette »), les étudiants et les étudiantes en pédagogie de la Haute École Condorcet (Province de Hainaut), ont pu en prendre toute la mesure.

« Une dizaine de criquets cuits, soit 20 grammes, correspondent à la valeur énergétique d’un bifteck de 110 grammes », indique Gaelle Pantin-Sohier, Professeure à l’école de management de l’Université d’Angers (France). Invitée à la Haute Ecole Condorcet (site de Sant-Ghislain) pour Bugs in Mugs, elle a d’abord rappelé les enjeux liés à l’entomophagie.

« Le grillon comestible contient 3 fois plus de protéines que le bœuf à poids égal », dit-elle encore. « Et 100 grammes de grillons couvrent plus de la moitié des besoins quotidiens en protéines d’un adulte de 70 kilos ». Voilà de quoi séduire l’industrie agroalimentaire, non ? « Surtout que les élevages d’insectes nécessitent peu d’espace et rejettent 99 % de gaz à effet de serre de moins que leur équivalent en bœuf, au kilogramme de protéines produit », précise encore la chercheuse.

Vers de farine ou grillons dans notre alimentation © Christian Du Brulle

Innovation alimentaire et mécanismes cognitifs

Alors, la bolo, avec ou sans insectes ? En pratique, l’entomophagie est loin de rivaliser dans le monde occidental avec la consommation de viandes. « L’acceptation par les consommateurs reste le frein principal à l’adoption d’insectes en tant que source de protéines pour l’alimentation humaine », indique Mme Pantin-Sohier

Elle a étudié les mécanismes cognitifs d’acceptation d’une innovation alimentaire de ce type. Ses travaux se sont basés sur les cinq espèces d’insectes comestibles enregistrées en France et accessibles à la vente au grand public: des vers de farine, des vers à soie, des vers de bambou, des grillons et des sauterelles.

Ce paquet de chips de 70 grammes renferme 23 grammes de protéines de grillon © Christian Du Brulle

Des vers au naturel ou aromatisés au ketchup et au chocolat ?

Ceux-ci ont été testés entiers et au naturel ou aromatisés : curry et barbecue pour les adultes, ketchup et chocolat pour les enfants. Mais aussi transformés en sablés au fromage ou sous forme de gâteau au chocolat à base de vers de farine broyés.

Avant de passer à table et de voir les insectes et les préparations aux insectes, adultes et enfants ont été amenés à donner leur avis sur la consommation d’insectes. Pour les jeunes adultes de l’échantillon (20 à 30 ans), les insectes « ce n’est pas mangeable ». À leurs yeux, l’entomophagie reste plutôt associée à des cultures et populations primitives ou aux habitants de pays sous-développés. En Occident, ce public qualifie volontiers l’entomophagie comme une pratique de « survie » ou comme « expérience ou un défi ». « Un effet à la Koh Lanta ou à Fort Boyard », souligne la chercheuse.

Les enfants, par contre, disent pouvoir envisager de manger des insectes, « mais pas ici ». À leurs yeux, cette pratique reste quelque chose qui concerne des populations pauvres, qui vivent dans des pays lointains.

Houmous aux grillons fumés et tapenade d’aubergine boostée aux insectes, le tout made in Belgium © Christian Du Brulle

Transformés pour être mieux acceptés

Quand vient le moment de la dégustation, les réactions sont aussi assez négatives. Ici, ce sont surtout les insectes entiers et sans assaisonnement qui suscitent le dégoût. Leur taille effraie, tout comme la présence de la tête, des yeux et des pattes.

Les insectes les mieux acceptés sont en général les plus petits, ceux qui sont dépourvus de pattes, d’ailes et de tête. Ou encore ceux qui sont transformés sous forme d’aliments familiers sur le plan visuel (gnocchis, bretzels…). Les sablés et autres gâteaux au chocolat ont également du succès. « C’est sûr que ça donne plus envie de goûter, oui… si tu ne te dis pas que c’est du ver », « l’aspect est attractif, il n’y a pas d’odeur, pas de visuel d’insectes », sont quelques commentaires récoltés par la chercheuse. Quand la présence de l’insecte est niée, le dégoût est donc atténué.

En mettant en exergue les freins et les motivations liés à la consommation d’insectes, la chercheuse trace des pistes pour développer une meilleure acceptabilité des insectes dans notre alimentation.

Des insectes wallons dans le chips et les tapenades

Cela passe par l’introduction d’insectes sous forme transformée, l’organisation d’ateliers de découverte gustative pour démystifier la consommation d’insectes, renseigner les fabricants sur les produits à concevoir (principalement transformés). Mais aussi sur la communication (sur les bénéfices nutritionnels, la provenance et les modes d’élevage) à mettre en place pour faire accepter les insectes comme culturellement comestibles.

Des messages bien reçus et déjà appliqués par Nico Coen, le cofondateur de Nimavert, une start-up belge située en Flandre qui commercialise quelques produits enrichis aux protéines d’insectes élevés en Wallonie. Bien malin, qui identifiera ou goûtera des insectes dans ses tapenades, houmous et autres chips. Des chips aux grillons riches de 23 % de protéines. Un apport protéiné à comparer avec vos marques de chips préférées…

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