Apprentissage des maths - libre de droit

Que se passe-t-il dans le cerveau quand on lui enseigne les maths ?

6 mars 2024
par Camille Stassart
Temps de lecture : 5 minutes

Théorème de Thalès, primitive d’une fonction, géométrie vectorielle… Si les mathématiques sont pour certains du charabia, elles sont pour d’autres une forme de langage logique et accessible. Et cela, dès le plus jeune âge. Cette variabilité entre les individus dans l’apprentissage des maths est encore peu comprise. Selon Amandine Van Rinsveld, chercheuse qualifiée FNRS au Laboratoire de Neuroanatomie et de Neuroimagerie translationnelles de l’Université Libre de Bruxelles, ces différences pourraient s’expliquer par la manière dont notre cerveau apprend à traiter ces informations numériques.

Focus sur les premiers apprentissages durant l’enfance

Les travaux de la Dre Van Rinsveld portent sur la cognition numérique. Ce domaine de la psychologie s’intéresse à la façon dont les quantités numériques sont représentées et traitées par notre cerveau. Cela va des processus les plus basiques (la différence entre 1, 2 et 3), jusqu’à des opérations plus complexes.

Ses recherches actuelles, soutenues par le Conseil européen de la recherche (ERC Starting Grant), se penchent sur l’étude des mécanismes cérébraux qui soutiennent les premières acquisitions chez les 5-6 ans. Une période de la vie où les enfants apprennent différents formats de nombres et leurs associations.

Si de nombreuses études ont permis de déterminer les savoir-faire des enfants en mathématiques – on sait, par exemple, qu’un enfant de 3 ans est capable de compter jusqu’à 10 –, on saisit encore mal la manière dont ces choses sont apprises par le cerveau. « L’apprentissage des mathématiques est un processus de longue haleine, dont les premiers stades sont d’une importance capitale. Cependant, les bases cérébrales qui soutiennent ces capacités précoces, et le chemin qui mène aux différences interindividuelles, restent peu comprises. »

Libre de droit

Mettre des images sur des mots

Dans le cadre de ce projet, la chercheuse et son équipe vont tenter de comprendre la place qu’occupe l’intégration « audiovisuelle » dans l’apprentissage des mathématiques : « A cet âge-là, les premiers contacts avec les chiffres sont en réalité des mots : « un », « deux », « trois », etc. L’apprentissage se fait donc sous forme verbale, auditive. Par la suite, on va rencontrer les symboles visuels derrière ces mots : « 1 », « 2 », « 3 », etc. et apprendre qu’ils correspondent à des quantités non-symboliques (une pomme, deux pommes, trois pommes…). »

« Dans cette étude, on cherche à savoir si articuler les chiffres de façon auditive/verbale avec des formats écrits – des quantités non-symboliques (des points ou un nombre d’objets) ou des symboles (1, 2, 3) – est une porte d’entrée vers l’apprentissage de concepts plus abstraits. »

Pour l’heure, on ignore par quels mécanismes cérébraux cette intégration audiovisuelle se réalise. « A peine quatre études ont montré ce qu’il se passe dans le cerveau quand on entend des mots de nombre. On ne sait pas ce qu’il se passe quand on doit les associer à des formats visuels. Va-t-on les associer en premier à des symboles, ou à des quantités ? Une voie sera-t-elle privilégiée plutôt que l’autre, et si oui, pourquoi ? Est-ce le cas chez tout le monde ? Les deux voies, vont-elles aider à la compréhension ? Notre projet tentera d’apporter des éléments de réponses à ces questions. »

Libre de droit

Des cerveaux sous l’œil de la magnéto-encéphalographie

Pour ce faire, Amandine Van Rinsveld compte étudier une centaine d’enfants de 5 ans en bonne santé, qui seront comparés à un groupe contrôle d’adultes. « On demandera aux participants de réaliser certaines tâches combinant différents formats numériques. En parallèle, on étudiera leur activité cérébrale à l’aide d’une méthode d’imagerie particulière : la magnéto-encéphalographie. »

En Belgique, seul l’Hôpital Erasme, rattaché à l’ULB, dispose de cet outil de neuro-imagerie. Cet appareil permet une mesure directe de l’activité des groupes de neurones. « L’avantage est qu’il permet une bonne résolution spatiale et temporelle. Avec cette machine, on a accès à un timing plus précis des processus cérébraux et des interactions entre les différentes zones du cerveau. L’étude permettra ainsi d’étudier la connectivité entre les différentes régions cérébrales, et le lien entre ces connexions et la cognition numérique. »

Les enfants seront à nouveau invités après leur entrée à l’école primaire à participer à l’expérience. L’idée sera donc non seulement de déterminer les mécanismes cérébraux liés à l’intégration audiovisuelle dans l’apprentissage des maths, mais aussi de voir si ces mécanismes évoluent au cours du développement de l’enfant. « Ce projet aborde la question plus large de la manière dont l’apprentissage remodèle le cerveau en développement et pourrait ouvrir de nouvelles voies pour la recherche », conclut la scientifique.

Haut depage