Réveil d’une voie embryonnaire dans le cancer de l’œsophage

6 mai 2021
par Daily Science
Temps de lecture : 3 minutes

Des chercheurs de l’Université libre de Bruxelles (ULB) lèvent le voile sur un mécanisme impliqué dans le développement du cancer de l’œsophage, aussi appelé métaplasie de l’œsophage. Ils mettent en évidence le processus modulant la plasticité des cellules, lequel conduit parfois à un développement cancéreux.

« Reset » cellulaire

Une métaplasie désigne le remplacement non-bénéfique d’un tissu différencié donné par un autre tissu différencié en réponse à une agression tissulaire chronique.

Il existe plusieurs types de métaplasies, parmi lesquelles la métaplasie de Barrett ou la métaplasie intestinale de l’œsophage. En réponse au reflux acide chronique, le tissu squameux qui tapisse l’œsophage peut, en effet, être remplacé par du tissu intestinal. Ces changements sont associés à un risque accru (jusqu’à 50 fois) de développer un adénocarcinome, une tumeur maligne, de l’œsophage. Cependant, les mécanismes impliqués dans ces modifications des cellules de l’œsophage sont encore méconnus.

Réactivation d’une voie embryonnaire

Des chercheurs dirigés par Benjamin Beck, chercheur qualifié FNRS et WELBIO à l’Institut de Recherche Interdisciplinaire en Biologie Humaine et Moléculaire (IRIBHM) au sein de l’Université libre de Bruxelles viennent de décrire certains des mécanismes impliqués dans la transformation des cellules de l’œsophage en cellules métaplasiques.

Alizée Vercauteren Drubbel, doctorante au sein de l’IRIBHM, et ses collègues ont combiné outils de pointe en biologie moléculaire et modèles in vivo afin de disséquer les mécanismes régulant cette transition d’un état cellulaire à un autre.

En collaboration avec la Professeure Sachiyo Nomura de la Tokyo Medical University, chirurgienne spécialiste de l’étude du reflux œsophagien et des métaplasies, les chercheurs ont démontré que le reflux chronique induisait la réactivation de la voie de signalisation « Hedgehog » dans l’œsophage, alors que cette dernière était éteinte depuis le développement embryonnaire.

Les cellules de l’œsophage adulte ressemblent dès lors aux cellules embryonnaires pluripotentes. Certaines de ces cellules vont se différencier en cellules similaires à celles tapissant le tube digestif et expriment des marqueurs typiques des cellules de l’intestin.

« C’était vraiment surprenant de voir des cellules de l’œsophage changer ainsi progressivement en activant seulement une voie de signalisation », souligne Alizée Vercauteren Drubbel.

Rare évolution cancéreuse

Les auteurs ont montré que la voie de signalisation « Hedgehog » est activée dans la quasi-totalité des cellules de l’œsophage, mais n’induit l’apparition de cellules métaplasiques que dans de rares cas.

Le fait que les cellules ressemblent un temps aux cellules embryonnaires suggère que les cellules de l’œsophage doivent d‘abord se dédifférencier avant de pouvoir se différencier en autre chose. Les auteurs ont pu démontrer que ce changement d’identité cellulaire reposait sur l’apparition d’une protéine appelée Sox9.

L’augmentation de l’incidence des cancers de l’œsophage (adénocarcinomes) semble résulter de l’augmentation de la fréquence des métaplasies de l’œsophage.

« Par chance, seule une minorité des patients avec des métaplasies de l’œsophage développe un cancer. Nous espérons qu’une meilleure compréhension de l’ensemble des mécanismes impliqués dans le développement des métaplasies de l’œsophage ainsi que de leur progression vers le cancer nous aidera un jour à identifier les patients les plus à risques », conclut Dr Benjamin Beck.

Ce travail a été soutenu par le FNRS, le Worldwide cancer research, la Fondation contre le cancer et la Fédération Wallonie-Bruxelles.

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