«Les travaux sur la violence faite aux femmes sont bien plus nombreux que ceux qui traitent de la violence des femmes», constate l’historienne Anne Morelli qui coordonne, avec la psychologue Annalisa Casini, l’étude «Les femmes aiment-elles la guerre?».
Pour répondre à cette question, des historiens, des psychologues, des sociologues, un politologue tentent de dénouer le lien entre «femmes, guerre et paix» dans la dernière revue de la collection Sextant aux Éditions de l’Université Libre de Bruxelles (ULB). En se basant sur l’actualité et les recherches les plus récentes.
Aiment-elles la guerre?
Pour Anne Morelli, professeure à l’ULB, cette interrogation aurait semblé purement rhétorique, il y a une quarantaine d’années: «Les réponses négatives auraient fusé, unanimes. La guerre était le fait des hommes. Et la paix, celui des femmes, par nature. Loin du mythe de leur innocence, les femmes ont tué lors des guerres, des révolutions ou mues par un idéal politique ou patriotique. Dans tous les cas, elles pensent réagir à une injustice. Elles considèrent que la survie de leur collectivité ou la victoire de leur cause passe avant leur propre vie.»
J’aime la guerre… «La phrase choque surtout lorsqu’elle sort de la bouche d’une femme», juge Achille Sommo Pende, chercheur à la Chaire Tocqueville en politiques de sécurité de l’Université de Namur. «En République Démocratique du Congo, les femmes sont non seulement victimes de viols à grande échelle, elles sont aussi parties prenantes dans les violences. Rien ne leur fait peur, ni les armes à feu, ni les longues marches forcées dans les forêts. Comme leurs collègues masculins, elles pillent, brûlent et tuent sans hésiter. Et peut-être que leur désespoir les rend encore plus cruelles que les hommes.»
Agir contre le système patriarcal
Dans le conflit israélo-palestinien, des femmes jouent un rôle important, des deux côtés. Danaé List met en perspective l’activisme pour la paix de ces oubliées de l’histoire. Ainsi que leur rôle dans l’effort de guerre. La licenciée en sociologie de l’ULB n’a pas rencontré des femmes sur place. Elle s’appuie sur une recherche bibliographique pour comprendre le désir de se regrouper autour de la pensée pacifique.
«Dans le cas d’un conflit tel que celui qui sévit en Israël et Palestine, la guerre et la violence qui en découlent sont les caractéristiques les plus flagrantes du patriarcat, qui est la force dominante. Pour qu’une femme soit valorisée, il lui faut agir comme un homme.»
«Toute action violente ne peut que détruire la partie visible du conflit. Mais n’aura aucun effet sur sa cause, la domination. Les femmes font donc aussi partie de la solution pour résoudre le conflit.»
Des initiatives telles que la résolution 1325 adoptée en 2000 par le Conseil de sécurité des Nations Unies sur les actrices de paix et de sécurité, permettraient aux femmes d’être intégrées dans les processus de paix. Et d’agir contre le système patriarcal.
L’effet “femme au pouvoir”
L’égalité homme femme favorise-t-elle la paix? Les psychologues Nicolas Van der Linden, maître de conférences à l’ULB, Djouaria Ghilani, auteure d’une thèse financée par le Fonds de la Recherche Scientifique – FNRS, et Annalisa Casini, chargée de cours à l’Université Catholique de Louvain (UCL), jettent un regard psychosocial sur ce lien. La théorie des rôles sociaux retient particulièrement leur attention.
La société serait-elle plus pacifique si hommes et femmes disposaient d’un accès égal aux positions de pouvoir? Sur base des résultats de travaux empiriques, les chercheurs concluent à l’effet pacificateur d’un plus grand pouvoir politique des femmes. Une action encore mal comprise qui ne s’explique qu’en partie par la théorie des rôles sociaux.
Membre de la Structure de recherche interdisciplinaire sur le genre, l’égalité et la sexualité (Striges) de l’ULB, Annalisa Casini conclut l’étude: «Nombre de pistes de recherche restent à explorer afin de comprendre le rapport complexe qui lie les femmes, la guerre et la paix. Nous pouvons affirmer que nous avons besoin de continuer à interroger les femmes, car leurs histoires sont fondamentales pour comprendre le fonctionnement de nos sociétés. Et les enjeux de pouvoir qui les régissent.»