Bientôt des pots d’échappement dénués de métaux nobles et de terres rares ?

6 octobre 2022
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 4 min

Des pots catalytiques moins chers et stratégiquement plus simples à produire: un mythe? En remplaçant les métaux nobles et les terres rares présents dans les pots catalytiques par des éléments chimiques bien plus accessibles et meilleurs marchés, les travaux d’Isaac Meza-Trujillo, réalisés sous la houlette du Pr Eric Gaigneaux, de l’Institut de la matière condensée et des nanosciences (IMCN) de l’UCLouvain, font un pas dans cette direction.

« Les pots catalytiques contiennent des terres rares et des métaux nobles comme du platine ou du cérium », explique le Pr Gaigneaux. « Outre leurs coûts, ces éléments proviennent souvent de régions géographiques limitées, voire d’un seul pays. Pour nous affranchir de ces difficultés, nous avons travaillé à l’élaboration d’un nouveau type de catalyseur, basé sur des éléments abondants, non critiques et donc moins coûteux, en particulier le calcium et l’aluminium. »

Un tel composé, appelé mayénite, peut également être dopé avec de petites quantités de cuivre. Ces catalyseurs (répondant au doux nom de Cu-C12A7) ont été élaborés et testés à l’Institut de la matière condensée et des nanosciences et ils y ont fait leur preuve. « Ils représentent une alternative réaliste pour la réduction catalytique des suies présentes en tant que polluants dans l’air », affirme le Pr Gaigneaux.

Décrassage plus efficace des filtres

Pour réduire les émissions de suies des moteurs diesel ou des centrales à charbon, on utilise des filtres. Au fil du temps, les particules s’accumulent sur ceux-ci, exigeant d’être régulièrement nettoyés afin de conserver leur efficacité. Dans le secteur automobile, par exemple, ce nettoyage se produit dans les pots d’échappement catalytiques.

Dans un premier temps, les particules de suie sont piégées dans ces filtres mécaniques, inertes,  dont la structure rappelle le nid d’abeilles. On force alors les gaz d’échappement à passer à travers un filtre poreux en céramique, dont la taille des pores est plus petite que la taille des particules à piéger. Quand ce nid d’abeille est saturé en particules, il est décrassé par chauffage. Les suies brûlent. Elles se transforment en CO2 et en eau, et sont rejetées. Le filtre ainsi régénéré est prêt à recommencer un cycle.

« Dans certains pots catalytiques, ces filtres sont recouverts d’une couche d’agents catalyseurs », reprend le chercheur. « Lorsque le filtre commence à être chauffé pour être régénéré, le catalyseur facilite la combustion de la suie. Cela va plus vite et peut se produire à des températures plus basses, d’où un gain d’énergie et une diminution du risque de voir ce filtre se boucher », précise le bioingénieur. « C’est ici qu’interviennent les terres rares et les métaux nobles utilisés jusqu’à présent. Dans les pots automobiles, cette technologie existe depuis longtemps et est efficace. »

C’est donc bien en remplaçant cérium et platine par des éléments chimiques moins chers et davantage disponibles que les travaux du doctorant Isaac Meza-Trujillo apportent une alternative. Mais qu’en est-il de l’efficacité de ces nouveaux catalyseurs?

« Nous sommes transparents », dit le Pr Gaigneaux. « Nos nouveaux catalyseurs sont un peu moins efficaces que les composés à base de cérium et de platine. Mais cela reste dans des mesures acceptables. »

Des pots d’échappement un peu plus grands

« L’oxydation des suies en CO2 d’un filtre à particules qui n’est pas doté d’agents catalyseurs intervient à des températures comprises entre 600 et 650 degrés », explique le Pr Gaigneaux.  « Dans les pots catalytiques avec métaux nobles, cette température chute à 300-350 degrés. Avec nos catalyseurs basés sur le calcium, l’aluminium et le cuivre, cela se produit à des températures allant de 400 à 420 degrés. C’est donc un peu moins bons que les catalyseurs actuels. »

« Cela ne devrait cependant pas être un frein à l’adoption de cette technologie. Dans les voitures d’aujourd’hui, le pot d’échappement catalytique est sensiblement de même volume que la cylindrée du moteur. Pour un moteur de 2 litres, on a donc un pot de 2 litres. Si on remplace ce pot par un pot catalytique doté de notre  mayénite (Cu-C12A7), il faudrait envisager des pots de 3 litres. Rien d’insurmontable dans les véhicules actuels. »

La suite? « Nous avons fait notre job en matière de recherche », estime Eric Gaigneaux. Avant de conclure: « c’est maintenant à une entreprise de prendre le relais pour développer de tels catalyseurs à une échelle industrielle. »

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