Les produits ignifuges de vieille génération, un casse-tête pour le recyclage du plastique

11 octobre 2022
par Laetitia Theunis
Durée de lecture : 4 min

Lorsqu’ils arrivent en fin de vie, les séchoirs, les téléviseurs et autres ordinateurs représentent un défi pour les recycleurs. Si les parties métalliques sont aisément valorisables, il en est tout autre du plastique. En effet, celui-ci est gorgé de retardateurs de flamme bromés (RFB), molécules ajoutées au polymère pour assurer à l’objet une résistance au feu lors de sa mise sous tension. La toxicité de certains de ces composés étant été prouvée, les plastiques les contenant ne peuvent plus être recyclés, enfouis ou exportés sans un traitement préalable garantissant l’élimination de ces RFB. Un procédé de décontamination vient d’être développé dans le cadre du projet Interreg Valbree, auquel le centre de recherche montois Materia Nova a participé. Un brevet est en cours de dépôt.

Des molécules interdites

« Les déchets électriques et électroniques en fin de vie qui arrivent aujourd’hui en déchetterie ont, pour la plupart, été fabriqués il y a 20 ou 30 ans. Et ont donc été conçus, dans le but de les rendre moins facilement inflammables, avec des retardateurs de flamme bromés (RFB) dont on ignorait alors la toxicité », explique Dr Fouad Laoutid, chef de l’unité matériaux polymères et composites chez Materia Nova.

Parmi ces RFB, certains sont interdits désormais dans l’Union européenne. Et ce, car ils sont cancérigènes, s’accumulent dans l’environnement et dans la chaîne trophique, mettant en péril la santé publique.

« Les produits traités aux RFB, actuellement en cours d’utilisation ou sous forme de déchets, relâchent des substances qui contaminent l’air, le sol et l’eau. Elles peuvent ensuite s’introduire dans la chaîne alimentaire, principalement dans des aliments d’origine animale, telles que le poisson, la viande, le lait et les produits dérivés », met en garde l’EFSA.

Comme ces polluants persistants ont été bannis du marché européen, un plastique en contenant plus de 200 ppm ne peut pas être réutilisé. Et finit sa vie en incinérateur.

Exposition aux UV

Mais depuis 4 ans, avec le concours de l’Université de Lille, l’entreprise française Crepim, et la flamande Centexbel, Materia Nova développe un procédé de décontamination, afin de permettre à ces plastiques d’intégrer une filière de recyclage.

« Nous traitons les plastiques par irradiation UV, à certaines longueurs d’onde appropriées, moins énergétiques que celles du Soleil, durant quelques dizaines de secondes à quelques minutes, pour casser les liaisons entre carbone et brome. Nos analyses révèlent qu’après ce traitement (n’utilisant aucun solvant), il reste peu de brome dans le matériau. Où est-il allé ? Il est certainement passé en phase gazeuse. Le récupérer et le retraiter fera l’objet d’un prochain projet, lequel est en cours de discussion », poursuit Dr Laoutid.

« Nous réfléchissons également à développer une technologie pour extraire la petite portion de brome qui demeure dans le matériau. Par exemple, par une technique d’extraction par extrusion au moyen de CO2 supercritique. » A l’état supercritique, c’est-à-dire à une pression supérieure à 73 bars et à une température de 31 °C, le CO2 possède à la fois les propriétés d’un gaz et celles d’un liquide. Ce solvant particulier est propre et facilement récupérable en le faisant repasser à l’état gazeux en fin de cycle.

« Aussi, après avoir travaillé exclusivement sur des films plastiques, nous avons développé un pilote pour décontaminer des granulés de 4 à 5 mm de diamètre. A l’avenir, il sera nécessaire de complexifier le système, en traitant des plastiques colorés, de différentes formes et tailles. »

Les UV n’étant pas sélectifs, ils dégradent tout de même sensiblement le polymère plastique. Toutefois, cela ne semble pas hypothéquer son avenir en filière de revalorisation.

En effet, « nous avons mélangé ces plastiques dégradés lors de l’irradiation avec du plastique vierge non irradié, et nous avons constaté que les propriétés mécaniques du mélange restaient identiques à celles du produit vierge », précise Dr Laoutid.

Fin du mois d’octobre, l’équipe déposera un brevet européen sur ce procédé de décontamination en voie sèche.

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