Trois pistes pour mieux loger les Bruxellois aux revenus modestes

7 février 2022
par Christian Du Brulle
Durée de lecture : 5 min

Les chiffres diffusés chaque année par les groupes immobiliers, la Fédération des notaires ou encore les autorités publiques le montrent: le prix du logement à Bruxelles ne cesse de filer à la hausse. Or, le pouvoir d’achat des potentiels acquéreurs ne suit pas la même évolution. En un mot comme en cent: acheter un logement dans la capitale belge est devenu un rêve inaccessible pour beaucoup.

L’attrait des « Community Land Trusts »

Trois pistes permettent cependant de rester optimistes pour celles et ceux qui ont une brique dans le ventre et qui désirent vivre en Région bruxelloise.

Une première est celle des « Community Land Trusts », un concept anglo-saxon qui existe également à Bruxelles (le CLTB) et qui vient d’être distingué par le prix « World Habitat Awards 2021 », remis en partenariat avec UN Habitat, une des agences des Nations-Unies.

Le CLTB, co-fondé par Thomas Dawance, chercheur à la VUB, développe avec succès des logements abordables sur des terrains communautaires. Plus précisément, l’organisation vend des logements à un prix inférieur de 20 à 50 % à la valeur du marché.

Le coût du logement est subventionné en fonction de la capacité de paiement du ménage. Les ménages défavorisés ont ainsi la possibilité d’acheter un logement de qualité à un prix abordable. Le CLTB donne également aux acheteurs de ses logements un droit de regard sur sa politique. Ceux-ci jouent un rôle central tant dans la gestion de l’organisation que dans la conception et la gestion des projets.

Un projet de 34 maisons

On soulignera que le centre de recherche Cosmopolis de la VUB étudie le développement des « Community Land Trusts » à Bruxelles, mais aussi dans le reste du monde. Avec le département des sciences de l’éducation, ses chercheurs apportent également leur aide à un projet d’habitat du Community Land Trust de Bruxelles intitulé CALICO (Care & Living in Community).

CALICO prévoit la construction de 34 maisons à Bruxelles grâce à un partenariat avec des coopératives de logement et des organisations sans but lucratif actives dans les domaines des soins communautaires et de l’intégration de la dimension de genre.

Des logements sociaux construits par le privé?

Une autre piste pour rendre le logement plus accessible à Bruxelles pourrait passer par la fiscalité. Nicolas Bernard et Edoardo Traversa, respectivement professeurs de droit à l’Université Saint-Louis – Bruxelles et à l’UCLouvain, proposent de suivre cette voie.

« Celle-ci pourrait dynamiser la production de logements neufs à caractère social, tout en résolvant les inégalités actuelles du système de TVA différencié entre secteurs privé et public », estiment-ils.

Pour ces chercheurs, cela devrait d’abord passer par une redéfinition de la notion de « politique du logement social » en « politique sociale du logement ». Et ensuite par l’élargissement des sociétés pouvant prétendre à une TVA réduite de 6 % sur la production de logements neufs à finalité sociale.

Trois conditions à remplir

« L’éventuel soutien pécuniaire donné aux opérateurs privés qui entendraient œuvrer dans le cadre de la politique sociale du logement ne peut être conçu sans contreparties garantissant l’effectivité de cette affectation sociale aussi bien que sa pérennité », précisent Nicolas Bernard et Edoardo Traversa.

Ils identifient  trois conditions à la réussite d’une telle politique: vendre une partie des biens produits à une société de logement social ou au Fonds du logement. Ne disposer du solde librement qu’en respectant certaines conditions sociales (et pendant une durée donnée). Situer l’opération dans un quartier en pénurie de logements à finalité sociale.

Pour les auteurs, les mécanismes proposés devraient permettre à la fois d’étoffer le parc social sans intervention de l’État (autre que financière), de rencontrer plus adéquatement les contraintes environnementales (par le recours au neuf) et de mettre fin à une double irrégularité juridique concernant la TVA.

La métamorphose des bureaux

Enfin, pour augmenter l’offre de logements à Bruxelles, il ne faut pas négliger la piste de la reconversion des bureaux inoccupés.

Le gouvernement bruxellois vient de mandater perspective.brussels pour  coordonner une « Task Force Bureaux » à ce sujet. Objectif: répondre aux attentes que suscitent la reconversion des bureaux en termes de production publique de logements et d’équipements publics tels que des écoles, crèches ou autres services.

« Ces dernières années ont été caractérisées par une accélération de la reconversion des bureaux » dit-on chez perspective.brussels.

« Certains quartiers de bureaux se sont peu à peu transformés en quartiers résidentiels. Dans d’autres quartiers, le stock de bureaux à convertir augmente ».

« Là où les reconversions se réalisent en nombre se pose la question de la mixité des fonctions en termes des services proposés et d’aménagements urbains à prévoir », précise l’organisme public. Ces reconversions ne répondent pas toujours aux besoins des Bruxellois. Ceci dans un contexte de transition économique et numérique dans lequel certains acteurs tels que la Commission européenne, la Régie des Bâtiments ou encore de la Banque Nationale de Belgique annoncent vouloir réduire le nombre de bureaux à l’avenir (télétravail, espace de travail partagé…).

C’est pourquoi perspective.brussels et ses partenaires mènent désormais une analyse transversale sur la reconversion des bureaux en intégrant les défis urbains supplémentaires tels que la viabilité, la mixité, la présence d’équipements, le développement économique des quartiers reconvertis, la récupération des matériaux de construction et la durabilité des reconversions.

L’objectif est de produire des recommandations pour le Gouvernement en termes de stratégie, de vision et d’outils réglementaires. Un travail de longue haleine, qui a démarré voici quelques semaines, dans le cadre du PerspectiveLab.

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