A Mons, la matière granulaire livre un de ses secrets

7 mars 2018
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 3 minutes

Comment construire cet été des châteaux de sable plus robustes sur nos plages? Une recherche fondamentale concernant le comportement de la matière en grains menée à l’Université de Mons (UMons) apporte une réponse à cette question. Des résultats qui intéressent aussi d’autres domaines, moins ludiques, de notre vie quotidienne!

L’équipe de recherche du Pr Pascal Damman, responsable du Laboratoire « Interfaces et Fluides Complexes » de la Faculté des Sciences de l’UMons a sorti pelles et seaux pour cette expérience. Elle n’a cependant pas écumé l’une ou l’autre plage de sable fin de notre littoral. C’est en laboratoire, et avec des billes d’acier, que les chercheurs ont travaillé sur ce problème de physique statistique des granulaires.

« Comme tous les enfants ont pu l’expérimenter un jour, les tas de sable sec n’offrent que très peu de résistance, ils s’effondrent souvent sous leur propre poids », rappelle l’UMons. « Par contre, il suffit d’ajouter quelques connections physiques entre les grains pour former des chaines granulaires pour obtenir un matériau bizarre, aussi résistant que de la pierre tout en conservant la propriété de s’écouler librement ».

Des contraintes topologiques qui mènent au blocage

L’étude combinant expériences et théorie, du groupe de chercheurs montois, et qui incluait des collègues de l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris et de l’Université de Bordeaux, a pu montrer que les liaisons entre les grains produisent « des contraintes topologiques qui aboutissent à des points de blocage ».

« Les matériaux granulaires tels que le sable se comportent souvent comme une collection de molécules, s’écoulant comme des liquides dans certaines conditions ou se bloquant dans des structures solides dans d’autres conditions », analyse Mark Buchanan, qui commente cette recherche publiée dans la revue Physical Review Letters.

Des matériaux plus résistants

« Aujourd’hui, les chercheurs, en travaillant avec des billes de métal, ont pu montrer un lien surprenant avec la physique des polymères. Les polymères? Il s’agit de molécules longues, semblables à des chaînes, qui forment les matériaux en plastique et en caoutchouc », rappelle-t-il. Les similitudes entre ces deux matériaux montrent qu’ils présentent chacun une tendance marquée à se raidir en réponse à toute force de déformation. La découverte pourrait aider à l’ingénierie de matériaux plus résistants ».

Le graphique ci-dessous illustre à merveille cette découverte.

« La rigidité d’une pile faite de chaînes de perles métalliques dépend de la longueur des chaînes impliquées », expliquent les chercheurs. « Chaque pile était initialement contenue dans un conteneur cylindrique. Puis, le conteneur a été retiré. Le nombre de billes par chaîne est (dans le sens des aiguilles d’une montre, à partir du haut à gauche) 3, 5, 10 et 30. Plus la longueur de la chaîne est longue, plus la pile résiste à la gravité. Ce comportement résulte des multiples contacts entre les chaînes et rappelle les propriétés du polymère », expliquent les chercheurs.

Une avancée utile pour les textiles, les fibres biologiques..

« Ces véritables noeuds disséminés au sein du système bloquent donc tout mouvement par un mécanisme de friction autoamplifiée. Dans ce mécanisme, plus l’opérateur exerce une force sur le système, plus celui-ci résiste, conduisant à une amplification exponentielle de la résistance. C’est l’opérateur lui-même qui crée la résistance du matériau ! », précisent les chercheurs.

D’un point de vue théorique, la modélisation statistique des points de verrouillage a été réalisée grâce à une analogie audacieuse dans laquelle les chaînes granulaires sont décrites comme un fondu de polymère. « L’accord entre les observations et la théorie étend au cas des chaînes granulaires la conjecture du physicien Sam Edwards utilisant la mécanique statistique pour décrire la matière granulaire athermique », indique le Pr Damman.

Et il conclut: « au-delà de leur utilisation évidente pour « simuler » et mieux comprendre les polymères denses à l’échelle macroscopique, ces systèmes pourraient aussi être intéressants dans d’autres domaines tels que : les textiles, les fibres biologiques, les nouveaux matériaux de construction, … ».

 

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