La conscience pistée à travers le regard

7 mai 2020
par Christian Du Brulle
Temps de lecture : 4 minutes

Que savons-nous réellement de la conscience? Et pourquoi l’étudie-t-on comme nous le faisons aujourd’hui? Deux chercheurs de l’Université libre de Bruxelles apportent quelques éléments de réponses à ces questions.

Le Dr Axel Cleermans, Professeur de psychologie, plante le décor. « La conscience, c’est quelque chose que le cerveau apprend », analyse-t-il dans un « Pitch », un exercice de vulgarisation audiovisuel de sept minutes.

« L’objet le plus complexe qu’on connaisse dans l’Univers, notre cerveau, avec ses 88 milliards de neurones qui communiquent entre eux, est en interaction constante avec lui-même, mais aussi avec le monde et avec autrui. Il apprend à redécrire sa propre activité à lui-même. Il apprend à devenir conscient. Il construit cette conscience petit à petit », précise-t-il dans cette capsule vidéo coproduite par l’ULB et la chaîne de télévision régionale bruxelloise BX1. « Comprendre comment l’activité biologique du cerveau produit ces états mentaux est un des plus grands défis du 21e siècle ».

Bien entendu, on ne peut pas tout dire en sept minutes. L’exercice auquel se livre le Pr Cleeremans est contraint par le format de l’exercice. Difficile d’entrer dans les détails des mécanismes de la conscience, soit « l’ensemble des états mentaux (sensations et émotions) produits par le cerveau ».

La vision comme vecteur historique de recherche

Mais, précisément, comment étudie-t-on aujourd’hui la conscience? C’est ici qu’intervient le travail d’un second chercheur de l’ULB: Matthias Michel.

Dans un article scientifique cosigné par deux collègues, il explique pourquoi nous étudions la conscience comme nous le faisons aujourd’hui.

« Bien que cela soit souvent attribué à des événements qui ont eu lieu au début des années 1990, les études sur la conscience sont aujourd’hui une continuation de la recherche qui a commencé à la fin du XIXe siècle et qui s’est poursuivie tout au long du XXe siècle », indique-t-il.

Décrypter l’organisation et le fonctionnement du cerveau

« Dès le début, les recherches se sont appuyées sur des études menées sur des animaux pour révéler les principes de base de l’organisation et du fonctionnement du cerveau. Mais aussi sur des patients humains, afin d’obtenir des indices sur la conscience elle-même », précise-t-il.

« Les recherches menées dans les années 1950 à 1970 sur trois groupes de patients spécifiques ont livré des résultats similaires », note-t-il. Ces trois groupes de patients concernaient des amnésiques, des personnes dont le cerveau avait été « divisé » (« split brain » en anglais) et des personnes privées du sens de la vision. Dans le cas des patients « split brain », on fait référence aux personnes épileptiques ayant subi une intervention chirurgicale qui consiste à sectionner les fibres unissant les deux hémisphères cérébraux et, en particulier, le corps calleux.

La piste de la perte de conscience et du coma

Lors de ces recherches, tous ces patients pouvaient répondre de manière appropriée à des stimuli qu’ils n’avaient pas « vus » ou, dans le cas des amnésiques, qu’ils avaient déjà vus mais, dont ils ne se souvenaient évidemment pas.

« Ce sont ces travaux qui ont ouvert la voie à la vague actuelle de recherche sur la conscience », estime Matthias Michel.

« L’idée de faire progresser la recherche sur la conscience en se concentrant sur la vision n’était pas nouvelle dans les années 1990 », continue-t-il. « C’était déjà une hypothèse implicite qui sous-tendait pratiquement tous les travaux sur la conscience depuis la fin du XIXe siècle ainsi que tout au long du XXe siècle.

« Nous nous sommes concentrés sur la contribution des amnésiques, des patients au cerveau divisé et des patients aveugles en raison de leur large impact sur la compréhension contemporaine de la conscience », indiquent encore Matthias Michel et ses collègues. « Mais d’autres groupes de patients ont également contribué à la compréhension contemporaine de la conscience. Par exemple, ceux plongeant dans le coma ».

Un élargissement des recherches induit, précisent les auteurs de l’article scientifique, par la découverte du système d’activation réticulaire chez les animaux dans les années 1940. Cette découverte a commencé à fournir des informations sur la manière dont les transitions entre l’éveil et le sommeil sont régulées dans le cerveau. Ce qui a également fourni des indications sur la perte de conscience chez les patients dans le coma.

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