Le boson de Brout-Englert et Higgs (BEH) n’a pas fini de faire parler de lui. Il y a six ans, le 12 juillet 2012, deux gros détecteurs de particules placés sur le Grand collisionneur de hadrons (LHC) du Cern, à Genève, détectaient sa signature.
Cette découverte confirmait l’existence de la dernière particule élémentaire manquante du Modèle Standard, un demi-siècle après sa prédiction théorique faite notamment par le Pr François Englert, de l’Université Libre de Bruxelles. François Englert reçut, l’année suivante, avec le Pr Higgs, de l’Université d’Édimbourg, le prix Nobel de Physique pour ces travaux.
CMS et ATLAS détectent chacun un couplage direct
Depuis cette fabuleuse découverte, les chercheurs tentent de déterminer le plus finement possible les propriétés de la nouvelle particule. De son côté, le LHC a continué à fonctionner à Genève. Il est même monté en puissance. Ce qui a permis aux physiciens de récolter de nombreuses nouvelles données sur le boson, dans différents canaux.
Les deux détecteurs à l’origine de la première détection du fameux boson BEH, le CMS (Compact muon solenoid ») et Atlas (A Toroidal LHC ApparatuS), viennent ainsi tous les deux de livrer, ces dernières semaines, de nouvelles informations sur ce fameux boson. Le « BEH » présenterait ainsi des affinités avec le quark top, la plus massive des particules élémentaires. Une observation qui est difficile à mettre en évidence, et pour laquelle plusieurs équipes belges impliquées dans l’expérience CMS ont participé (UCLouvain, Université d’Anvers, VUB, UGent et ULB).
« Cette étape a été franchie bien plus tôt que prévu », déclare Fabio Maltoni, professeur à l’UCL et porte-parole du programme « EOS be.h » (le programme « Excellence of Science », cogéré par le F.R.S.-FNRS et le FWO). Ce programme s’intéresse aux prédictions théoriques nécessaires à la compréhension de cette découverte.
Pas de nouvelle physique en vue pour le BEH
Que s’est-il réellement passé au Cern ces dernières semaines? Les chercheurs ont observé pour la première fois, et de deux manières différentes (grâce à CMS et à ATLAS), la production simultanée d’une particule BEH avec une paire de quarks top et anti-top lors de collisions entre deux protons, dans le LHC.
Dans le Modèle Standard, qui décrit le monde des particules élémentaires, le boson BEH devrait interagir plus fréquemment avec les particules de grande masse qu’avec les particules légères. Toutefois, le BEH ne peut pas se désintégrer en une paire de quarks top-antitop, car ceux-ci sont trop massifs. Le LHC vient cependant de montrer qu’il était possible de produire simultanément, lors d’une collision entre protons, une paire de quarks top-antitop et une particule BEH. Cela s’appelle le « processus ttH ».
Ce processus est extrêmement rare et il a fallu accumuler beaucoup de données pour arriver à l’observer. De plus le boson H et les quarks top et antitop ne sont pas stables et se désintègrent après avoir été produits. « Nous devons donc chercher ces événements à partir de ces « débris » des désintégrations, c’est comme un grand puzzle à reconstruire. Cette observation est une étape très importante, car elle permet de tester notre modèle, et en particulier le couplage entre les deux particules élémentaires les plus massives, le boson H et le quark top », indique le Pr Barbara Clerbaux (ULB)
L’extraction de ces événements à partir des données du LHC est délicate, car il existe de nombreux types d’événements banals qui peuvent les imiter. L’identification de ces événements nécessite des mesures de tous les sous-détecteurs du CMS, ce qui rend la reconstruction assez complexe.
Un engagement soutenu des chercheurs belges
L’un des défis de cette découverte était donc de préparer la sélection en temps réel des événements intéressants. Pascal Vanlaer de l’ULB a été le responsable de cette sélection.
On notera aussi que l’analyse des données du LHC (CMS) a été partiellement réalisée à Bruxelles par Kirill Skovpen, postdoctorant FWO de la VUB.
Kirill Skovpen a contribué à l’analyse dans l’état final multileptons, la partie des données qui est la plus sensible, et qui a permis (en la combinant avec les autres canaux) l’observation du processus ttH pour la toute première fois.
« Avec l’analyse des nouvelles données qui seront récoltées en quantité par les expériences dans les années à venir, nous serons en mesure d’étudier de manière détaillée l’interaction entre le quark top et le boson de Higgs, afin de mieux comprendre cette interaction fondamentale. L’étude de ces deux particules fondamentales , le boson H et le quark top, et leur interaction, permettra peut-être d’ouvrir des portes et de répondre à des questions encore non résolues sur notre univers et son évolution! » estime-t-il.
Dans cette vidéo du CERN, des scientifiques d’ATLAS, de CMS et du département de théorie du CERN expliquent (en anglais) la portée des résultats annoncés sur l’interaction entre le boson de Higgs et le quark top.